Vie des marques

Rians, tradition d’engagement

26/05/2021

Entreprise familiale depuis 1901, les laiteries H. Triballat Rians placent l’élevage durable, la défense de la filière et la promotion des AOP au cœur de leur activité. Avec pour fer de lance la marque Rians. Entretien avec Hugues Triballat, président des Laiteries H. Triballat, Dominique Verneau, directeur de la production laitière, et Grégoire Tenaillon, directeur des ressources humaines.

Quelle raison a présidé au choix du nom d’un village – Rians – plutôt que celui de la famille fondatrice, Triballat ?

Hugues Triballat : Lorsque Hubert Triballat a commencé à vendre sa faisselle hors du Berry à fin des années 1960, les clients lui ont demandé une « marque ». Tout naturellement, il a baptisé sa faisselle « faisselle de Rians ». Par la suite, Rians est devenue le point commun aux différents produits et la marque de l’entreprise.

Quelle est chez vos fournisseurs la part de l’alimentation française dans les élevages ?

Dominique Verneau : Nous n’avons qu’une évaluation assez grossière, je pense qu’en fonction des élevages nous évoluons entre 0 et 7 % de matières premières importées.

Combien d’emplois directs et indirects compte votre entreprise en France ? Et combien de bassins laitiers et sites de fabrication ?

H. T. : Notre entreprise emploie en France 1 300 salariés répartis dans douze laiteries et fromageries. Nous travaillons avec neuf organisations de producteurs, représentants chacune un bassin laitier. 450 producteurs nous fournissent du lait ou des fromages, ce qui représente près de neuf cents familles.

Quels outils utilisez-vous pour tracer vos produits des laiteries à l’assiette ?

D. V. : Une panoplie d’outils digitaux qui nous permettent de tracer en quelques heures le moindre fromage ou pot de faisselle, depuis l’identité des producteurs de lait à la liste de tous les clients ayant reçu au moins un pot de ce lot, en passant par le lot de présure.

Une dizaine d’AOP

Le « fabriqué à Rians » est-il pour vos produits un atout auprès des consommateurs ? À l’heure où grandit la demande de produits « locaux » et le local étant souvent confondu avec l’artisanal, cela rejaillit-il sur une entreprise industrielle à ancrage régional ?

D. V. : « Fabriqué dans nos fromageries » est la garantie que les promesses faites seront tenues, tant pour les goûts et les saveurs que pour les engagements sociaux : le respect des producteurs de lait, de leur rémunération, de tous nos salariés, comme la protection collective de l’environnement et du bien-être animal. Nous avons quatorze sites en France et à l’étranger, le plus petit compte trois salariés. Notre ancrage local, notre engagement dans une dizaine d’appellations d’origine protégée (AOP), notre implication auprès des producteurs, sont les meilleures preuves qu’artisanat, industrie et local ne sont pas antinomiques

L’international constitue-t-il un levier de développement de l’entreprise ?

H. T. : Le développement de nos ventes hors de France est un de nos objectifs prioritaires. Compte tenu de la qualité que nous voulons préserver, notamment en terme de fraîcheur, les destinations principales sont européennes, et pour certains produits en Amérique du Nord.

Parvenez-vous à répercuter les coûts induits par vos investissements sociaux et environnementaux dans les négociations commerciales ?

H. T. : Les négociations annuelles avec nos clients intègrent tous les besoins de l’entreprise, en particulier notre volonté de rémunérer les producteurs à un juste niveau, mais aussi les évolutions nécessaires en termes de matériaux d’emballages, d’investissements environnementaux, etc. Au final, ces négociations restent tendues et toujours incertaines.

2021 est le troisième exercice sous le régime de la loi Égalim ; comment les négociations et accords de commercialisation ont-ils évolué cette année ?

H. T. : En 2021, nous avons observé une meilleure prise en compte par les clients des objectifs de la loi Égalim, mais nous restons au-dessous des attentes dans ce domaine.

Deux cents recrutements par an

Trouvez-vous facilement à répondre à vos besoins en main-d’œuvre ?

H. T. : Nos fromageries sont implantées dans des bassins d’emplois ruraux. Pour certains métiers, l’emploi est sous tension, comme la logistique, la maintenance industrielle, la conduite de lignes de production pour lesquelles nous pouvons avoir des délais assez longs avant de pourvoir un poste vacant. D’où la nécessité, pour une entreprise comme la nôtre qui recrute environ deux cents personnes chaque année, de déployer des efforts d’accompagnement de chaque salarié, tout au long de son parcours en interne.

Quelles sont les initiatives de Rians dans les domaines de la formation en interne, de l’apprentissage, de l’alternance ?

Grégoire Tenaillon : Nous inscrivons ceux qui nous rejoignent dans un parcours de progression et d’évolution. Nous proposons des formations spécifiques, notamment pour les métiers de fromagers et de conducteurs de machines, des tutorats, et à certains des contrats de qualification professionnelle. Nous travaillons depuis longtemps avec des écoles pour former les jeunes de nos territoires, développer l’apprentissage et l’alternance, par exemple pour les métiers d’attaché commercial ou de technicien de maintenance.

Naturellement bien placée devant les aspirations nouvelles

Une entreprise familiale de cent vingt ans a-t-elle eu souvent à se remettre en question ?

H. T. : Avoir cent vingt ans, c’est avoir eu des dizaines d’occasions majeures de se remettre en question. Le propre d’une entreprise qui dure, c’est sa capacité à s’adapter en permanence aux évolutions sociales, sociétales, environnementales. Le client, l’employé ou l’éleveur de 2021 n’ont pas les mêmes attentes que celles de leurs parents.

La tendance de la demande à privilégier une alimentation plus durable et plus saine a-t-elle changé la stratégie de Rians ?

H. T. : C’est une partie majeure de notre identité que de proposer au marché des produits de grande qualité : savoureux, sains, pour la santé comme pour la planète. C’est donc assez naturellement que l’entreprise s’est retrouvée bien positionnée devant cette tendance. En fait, l’évolution actuelle de la demande a rencontré notre stratégie de qualité, de dimension humaine, de produits authentiques.

Y a-t-il un effet sur l’emploi ?

G. T. : Les consommateurs sont en quête de produits de qualité, authentiques, fabriqués en France ; nos produits répondent à ces attentes. Nous avons redimensionné certaines de nos équipes, essentiellement commerciales, pour répondre à la réorientation de la consommation selon différents canaux de distribution.

Accompagnement RSE de filière

À quoi vous engage votre partenariat avec l’ONG CIWF (Compassion in World Farming) sur le bien-être animal ? Et celui avec WWF France pour l’élevage durable ? Que vous apportent ces deux ONG qui manqueraient à votre entreprise ?

D. V. : Ces partenariats nous engagent mutuellement. Nous avons passé du temps avec les représentants des organisations de producteurs et les ONG à construire nos engagements respectifs. En mars et avril cette année, nous avons expliqué ces engagements à tous nos producteurs. Par exemple, nous avons convenu qu’en 2030 toutes les vaches auraient un accès au pâturage, et les chèvres à l’extérieur. Nous avons pris l’engagement qu’en 2025 aucun aliment responsable de déforestation ou de destruction d’écosystème ne serait plus importé pour les rations des vaches et des chèvres de nos fromageries. Nos engagements mutuels impliquent que pendant ces années nous allons travailler ensemble à ces objectifs, et que les ONG nous apporteront leur expertise en bien-être animal, agroforesterie ou agroécologie.

Cela conduit-il à exclure des éleveurs qui ne pourraient répondre à vos objectifs d’amélioration ? Comment les accompagner vous ?

D. V. : Non, un des engagements que nous avons pris est qu’aucun producteur ne serait laissé au bord de la route. Pour y parvenir, d’une part nous prenons le temps (dix ans, ce n’est pas trop long en agriculture), et les ONG, les OP et la Laiterie ont convenu que pour les situations exceptionnelles, où l’un des engagements ne serait pas tenu par un ou quelques producteurs, nous travaillerions avec les ONG à optimiser le bien-être, ou la gestion de l’environnement, tout en tenant compte des facteurs structurels qui empêchent d’aller vers l’excellence : par exemple, là où le foncier empêcherait un accès à l’extérieur, on travaillera avec un cabinet d’éthologie, pour optimiser le bien-être animal dans le bâtiment.

Objectifs environnementaux sur dix ans

Quelle est la part du plastique dans vos emballages ? D’autres matériaux sont-ils appelés à le remplacer ?

D. V. : En proportion, la part de plastique n’est pas très élevée, un quart environ ; le bois, le carton et le verre sont des matériaux pondéreux, mais notre objectif est de réduire le poids de plastique utilisé de 25 % dans les dix ans qui viennent. Le carton, si nos essais sont concluants, pourrait remplacer le plastique pour certains contenants. Mais aujourd’hui le plastique reste quasiment incontournable pour garantir l’innocuité, la qualité de la conservation, la praticité, la solidité et l’étanchéité des emballages. Nous avons donc travaillé sur la recyclabilité de nos emballages plastiques. Ils sont depuis longtemps en monomatériaux, donc une fois le tri mis en œuvre sur le terrain, 100 % recyclables.

Quels sont vos objectifs en termes d’empreinte carbone, de gestion de l’eau et des déchets ? Vos partenaires producteurs sont-ils engagés dans la réduction de leur empreinte carbone ?

D. V. : Nous travaillons depuis des années à diminuer notre empreinte environnementale. D’ici à 2030, nous espérons baisser nos émissions en équivalent CO2 de 25 % , baisser nos consommations d’eau de 40 % , utiliser près de 80 % d’énergies renouvelables, valoriser tous nos déchets organiques, et recycler les autres. Bien sûr, nous incitons dans le cadre de notre programme « élevage durable » tous les producteurs de lait à réduire leur impact environnemental ; l’évaluation des émissions de GES, puis la réduction de ces émissions font partie de nos engagements.

Diriez-vous que les Laiteries H. Triballat sont une laiterie « engagée » ? A-t-elle défini sa raison d’être au sens de la loi Pacte ? Envisage-t-elle de devenir une entreprise à mission ?

H. T. : Les Laiteries H. Triballat sont sans aucun doute une entreprise engagée, sur des thèmes majeurs : l’élevage durable, la réduction de l’empreinte carbone, le respect des salariés… Nous faisons aujourd’hui mieux savoir à nos consommateurs ce que nous faisons concrètement depuis des décennies par conviction. Le choix de devenir une entreprise à mission, dans le sens pris par certains groupes internationaux, est une démarche assez nouvelle. Nous observons cette tendance sans en tirer de décision pour l’instant.

Propos recueillis par Jean Watin-Augouard

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