Vie des marques

Savencia, le sens du territoire

17/08/2021

Un groupe familial indépendant, deuxième fromager français et cinquième mondial, avec un chiffre d’affaires de 5,2 milliards d’euros en 2020 : connu par ses marques Caprice des dieux, Elle & Vire, St Moret, St Agur, Tartare, Cœur de Lion, RichesMonts ou Papillon, il compte 9 400 salariés en France, dans des fromageries et laiteries implantées sur tout le territoire. Entretien avec Fabienne Boroni, directrice RSE et communication, Savencia Fromage & Dairy.

En quoi consiste votre « charte des bonnes pratiques d’élevage » ? Et votre « production laitière durable » ?

Fabienne Boroni : Savencia a toujours entretenu une relation de proximité avec ses producteurs de lait (sept mille exploitations en France), dans le cadre de partenariats de long terme. Certains producteurs travaillent avec nos fromageries depuis plusieurs générations. En France, nos produits sont fabriqués avec un lait français collecté à moins de 70 kilomètres de nos fromageries et laiteries. La charte des bonnes pratiques d’élevage est le référentiel de la filière, comportant des audits réguliers, auquel adhèrent cent pour cent de nos producteurs en France. Pour aller plus loin en matière de développement durable, Savencia a lancé en 2010 la démarche « Production laitière durable », avec dix indicateurs clés dont le bien-être animal, l’empreinte environnementale, la biodiversité, la gestion de l’eau, la qualité de vie du producteur ou la rentabilité de l’exploitation. Les producteurs choisissent eux-mêmes leur plan d’actions de progrès sur la base de ce diagnostic approfondi. En France, un réseau de quatre-vingt-dix « animateurs ressources laitières » accompagne les éleveurs dans la production d’un lait de qualité avec des pratiques agricoles durables. Ils leur apportent un appui technique et de la formation (420 journées dispensées en 2020). Savencia aide les jeunes producteurs à s’installer, avec un appui technique et financier ; en 2020, 114 en ont bénéficié.

Revalorisation de la filière

Comment la loi Égalim s’est-elle déployée dans le secteur laitier en 2020 ? Quelles améliorations attendez-vous du processus législatif en cours pour l’ensemble de la filière ?

F. B. : Dès 2018, Savencia s’est fortement impliqué dans la revalorisation de la filière laitière, dans l’esprit des ÉGA, en s’engageant sur un prix du lait PGC France revalorisé pour les producteurs. Le groupe a été le premier intervenant à faire certifier par un organisme tiers indépendant le prix du lait payé à ses producteurs pour les marques nationales. Dans le cadre d’Égalim et dans l’esprit des ÉGA, Savencia contribue à la revalorisation de la filière, avec une progression régulière du prix du lait PGC payé aux producteurs, qui est passé de 350 euros les 1 000 litres en 2017 à 386 euros en 2021.

À quelles conditions la filière laitière française peut-elle regagner de la compétitivité à l’exportation ?

F. B. : L’exportation représente le débouché de la moitié de la filière laitière française et 60 % des débouchés de Savencia. Pour maintenir les parts de marché de la « laiterie France » et sa position de grand exportateur, il est indispensable de maintenir la compétitivité de tous les acteurs français de la filière, producteurs et industriels.

Savencia s’est-il engagé à alimenter le référentiel de données alimentaires mis à disposition des industriels par NumAlim, pour apporter aux entreprises et aux consommateurs une information exhaustive sur chaque produit ?

F. B. : Oui, le groupe est engagé à contribuer à l’initiative collective CodeOnline Food de NumAlim, au service de la transparence de la filière alimentaire. Il y a en effet une grande attente des consommateurs pour des infos claires, précises et fiables sur les produits. Ainsi on pourra voir sur CodeOnline qu’un Caprice des dieux est un fromage fabriqué avec du lait cent pour cent français, des ferments, du sel, et c’est tout !

100 % d’emballages recyclables en 2025

Quelles sont vos actions en faveur des emballages recyclables, avec matériaux recyclés, ou biodégradables ?

F. B. : L’écoconception des emballages, avec la réduction du plastique, est une priorité pour nous. Nous avons défini cinq axes de progrès sur lesquels nos équipes travaillent et mènent de nombreux projets : la réduction à la source, la recyclabilité, l’utilisation de matériaux recyclés, de matériaux renouvelables, l’exclusion des matériaux controversés. Nous visons 100 % d’emballages recyclables ou biodégradables en 2025 et avons déjà atteint 86 % . Par exemple, la reconception du plateau de raclette RichesMonts a permis une réduction annuelle de 110 tonnes de plastique et de bois – ainsi qu’une optimisation de la logistique amont permettant d’éviter la circulation de 39 camions sur une année ; la reconception de l’emballage libre-service Etorki a permis de réduire l’utilisation du plastique de 70 %  ; le nouveau Beurre fouetté d’Elle & Vire a été lancé avec un emballage composé à 70 % de matériaux renouvelables…

Et en matière d’empreinte carbone, dans les laiteries comme sur vos sites industriels ?

F. B. : En matière d’empreinte carbone, nous accompagnons les producteurs de lait dans leur démarche de progrès. Ainsi, 252 000 tonnes d’équivalent CO2 ont pu être économisées sur l’ensemble du lait que nous collectons entre 2010 et 2020. Notre filiale Armor Protéines est lauréate du Plan France Relance [1] pour son action en faveur de la décarbonation.

Envisagez-vous un partenariat avec Fret 21 sur le plan de la logistique ?

F. B. : En France notre plateforme logistique est engagée dans une démarche volontaire de réduction des émissions de CO2 et adhère à ce titre à la Charte « CO2 les transporteurs s’engagent ». Plusieurs initiatives pilotes sont en cours avec des camions alimentés en biocarburant, dont un partenariat avec des agriculteurs méthaniseurs, avec un objectif d’économie circulaire.

Vision positive de l’alimentation

Comment Savencia intervient-il en faveur de la « transition alimentaire » ? Quels en sont les leviers ? Quelles sont les missions de l’institut que vous venez de créer ?

F. B. : Nous sommes un acteur engagé dans la transition alimentaire, avec notre vision “Positive Food”, qui refuse d’opposer plaisir et santé, et les diktats alimentaires. Nous défendons une vision positive de l’alimentation alliant bien-être, convivialité et responsabilité. La “Positive Food”, c’est d’abord un modèle alimentaire diversifié, avec des produits naturels ou le moins transformés possible. Chaque aliment a sa place, sous réserve d’être consommé dans un régime varié et équilibré. Il faut évoluer vers des modes de consommation plus responsables, mais ce n’est pas en culpabilisant les gens qu’on fera bouger les choses, encore moins dans une période comme aujourd’hui. Nous préférons la pédagogie et la méthode incitatrice du “nudge”. Cela se concrétise par des actions incitant à associer fromages et légumes dans des menus flexitariens : opérations croisées fromages-légumes en magasins, recettes équilibrées renouvelées régulièrement disponibles sur Quiveutdufromage.com… Un “Institut for a Positive Food” a été créé, indépendant des marques, avec un comité scientifique dont l’objectif est de vulgariser des données scientifiques sur une alimentation saine et diversifiée, données pas toujours relayées auprès du grand public.

Contre la précarité des jeunes, le pari de l’apprentissage

Quelles sont les initiatives de Savencia dans les domaines de la formation, de l’apprentissage, de l’alternance ? Participez-vous à l’opération « Un jeune, une solution » ?

F. B. : Nous participons activement à l’opération « Un jeune, une solution ». Savencia a lancé en 2020 un plan « cinq cents apprentis » et a ainsi doublé le nombre d’apprentis recrutés dans le groupe. La filière alimentaire recrute, nos métiers sont variés et méconnus. Par ailleurs, l’emploi des jeunes est un sujet qui nous tient à cœur, pour qu’ils ne soient pas une génération sacrifiée par la crise. Nous réitérons cette opération cette année, avec de nouveau le recrutement de cinq cents apprentis.

Quelle est la part des productions de lait issues d’une alimentation sans OGM des troupeaux, et de l’agriculture biologique ?

F. B. : Nous développons des gammes de produits avec du lait biologique ou issu de troupeaux nourris sans OGM, particulièrement en Allemagne où la demande est plus forte. En France, St Moret Bio et Elle & Vire Bio ont été classés parmi les premiers produits bio vendus en frais libre service en 2020.

Y a-t-il dans vos divers produits des additifs que vous avez réduits ou supprimés ?

F. B. : Nous sommes un acteur de première transformation et la grande majorité de nos produits sont naturels et peu transformés. Beaucoup de fromages, comme les camemberts Cœur de lion ou Rustique, ont une liste d’ingrédients très simple : du lait, des ferments, du sel, c’est tout. Néanmoins, nous travaillons en permanence sur nos recettes et procédés de fabrication pour améliorer les profils nutritionnels (nous avons ainsi réduit le taux de sel dans le St Moret ou le roquefort Papillon), ou pour enlever un additif quand il y en a (Elle & Vire a innové avec des crèmes UHT sans additif).

Des AOP à foison

Quelle est la place des AOP dans votre plateau de fromages ?

F. B. : Savencia a un large plateau de fromages de terroir et AOP, que nous développons en France et à l’international, avec des gammes spécifiques pour le réseau des crémiers fromagers. En France, nous avons reçu treize médailles au dernier concours général agricole, dont trois d’or pour l’époisses Berthaut AOP, l’esquirrou AOP Ossau Iraty et le maroilles Fauquet AOP. Le roquefort Papillon AOP est un fleuron réputé, qui a rejoint Savencia en 2019. Notre fromage artisanal américain Rogue River Blue a été élu meilleur fromage du monde aux “World Cheese Awards 2019” parmi des concurrents du monde entier. Cette année, nous avons lancé Islos, une véritable feta grecque AOP. Nous sommes aussi fiers de nos beurres AOP, avec Maison Lescure AOP Charente Poitou en France et Carlsbourg AOP Ardenne en Belgique.

Souhaitez-vous devenir une entreprise à mission ?

F. B. : Pour le moment, nous avons pour priorité notre plan RSE Oxygen. Il s’inscrit dans la mission « Entreprendre pour bien nourrir l’Homme », définie il y a près de trente ans par le fondateur du groupe, Jean-Noël Bongrain, créateur du Caprice des dieux. La RSE est dans l’ADN de nos entreprises, qui agissent localement depuis longtemps, mais nous avons souhaité accélérer et coordonner nos actions, avec un plan mondial appelé Oxygen, des engagements sur quatre axes : favoriser le bien-être et le développement des salariés – sécurité et qualité de vie au travail, parité, formation et apprentissage ; améliorer la qualité nutritionnelle de nos produits – notre démarche #PositiveFood ; développer avec nos fournisseurs de matières premières agricoles un approvisionnement et des filières durables ; réduire l’empreinte environnementale de nos activités de production, de transport et de nos emballages.

[1] https://www.ouest-france.fr/bretagne/maen-roch-35460/pres-de-fougeres-armor-proteines-premiere-entreprise-bretonne-laureate-du-plan-france-relance-7090684.

Propos recueillis par Jean Watin-Augouard

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