Vie des marques

Ferrero, marques de toujours

16/03/2022

Résultat d’une alchimie entre esprit inventif du créateur, intelligence collective et résilience, la pérennité d’une grande marque témoigne de sa légitimité et de sa singularité. Certaines sont centenaires voire plus. Ou semblent promises à le devenir. Comme celles de Ferrero, apparues entre l’après-guerre et les années 70, et déjà patrimoniales. Entretien avec Nicolas Neykov, directeur général de Ferrero France.

À quoi des marques comme Kinder, Nutella ou Mon Chéri doivent-elles de sembler traverser le temps et les modes ?

Nicolas Neykov : La ligne de conduite de Ferrero a toujours porté sur la qualité. Cela semble évident, mais il y a une volonté depuis toujours d’innover en pensant nos produits de façon pérenne. Ferrero peut prendre plusieurs années, voire une décennie pour lancer un nouveau produit. Cela nous assure qu’il y a une vraie connexion entre nos consommateurs et nos produits. C’est sans doute pour cela qu’il y a ce lien très fort, transgénérationnel, entre nos marques et les consommateurs. Aujourd’hui nos marques sont iconiques, inscrites dans le quotidien des Français, voire pour certaines d’entre elles dans la culture populaire.

Une notion de partage et de transmission

Leur pérennité s’explique-t-elle aussi par leur présence dans certaines étapes de la socialisation des enfants, grâce au don, à l’échange, au partage ?

N. N. : Oui, il y a dans chacun de nos produits une notion de don, de partage ou de transmission. Un pot de Nutella rassemble autour de la table du petit déjeuner ou du goûter, un Kinder est fait pour être transmis par le parent à l’enfant, Ferrero Rocher et Mon Chéri s’inscrivent principalement dans des moments de fête, de rassemblement voire de retrouvailles, lors d’occasions que l’on veut exceptionnelles, et même un Tic Tac ne fait pas exception, avec cette notion l’idée de petites attentions. C’est un produit qui entraîne un réflexe de partage avec l’entourage du moment et cette question qu’on a tous prononcée : « Tu en veux ? »

Que doit la transmission intergénérationnelle à la nostalgie, pour des produits prisés des enfants qu’ils oublient en devenant adultes et redécouvrent en parents ?

N. N. : La transmission fait partie de notre ADN, et comme je le disais Kinder incarne cette notion. Mais il ne suffit pas de revendiquer cette volonté pour assurer la pérennité. L’expérience que nos produits procurent est un facteur clé de leur réussite. Cela passe par la qualité bien entendu, et par l’histoire et la valeur ajoutée de ces produits. Prenons Kinder Surprise : il existe depuis plus de cinquante ans et n’a jamais été aussi actuel. Il y a un renouvellement perpétuel des expériences proposées aux familles, notamment avec la surprise. Les licences ne font pas tout, il faut aussi proposer de nouvelles expériences, comme nous l’avons fait de la réalité augmentée avec Applaydu, une expérience très séduisante, pédagogique, qui se partage en famille ou entre amis.

Travailler sur le temps long

Leur antériorité dans la création de leur marché [1] renforce-t-elle leur pérennité ?

N. N. : C’est sans doute un avantage. Ferrero est précurseur d’un certain nombre de produits. Nos marques ont surtout installé leur signature, avec un goût qui leur est propre. Même quand elles se diversifient sur d’autres marchés, tels que les glaces, les biscuits ou les tablettes, vous retrouverez toujours les marqueurs de nos marques iconiques. C’est ce qui a sans doute fait le succès des glaces Ferrero Rocher et Raffaello l’année dernière, et qui sera sans doute une clé du succès des glaces Kinder Bueno qui seront lancées au printemps !

Dans quelle mesure son statut d’entreprise familiale a-t-il contribué à la pérennité du groupe ? Permet-il de travailler sur le temps long ?

N. N. : Le groupe Ferrero est un groupe familial né dans le Piémont en 1946 et il est toujours resté en actionnariat unique détenu par la famille Ferrero. C’est effectivement ce qui nous permet de travailler sur un temps long. Ferrero a pour habitude de se projeter sur le long terme et de laisser aux projets le temps de réussir.

De quand date l’engagement de Ferrero dans le monde associatif en faveur de l’enfance et de la jeunesse ? Ces actions œuvrent-elles à la pérennité de ses marques ?

N. N. : J’expliquais la démarche d’innovation par la volonté d’aboutir à la meilleure qualité possible avant tout lancement. Cette approche est aussi vraie de nos engagements. Celui pour la jeunesse ne date pas d’hier, notamment avec Kinder. Cela fait sens, car la conviction de la marque est qu’un enfant épanoui sera un meilleur adulte demain. En 2008, nous nous sommes rapprochés du Secours populaire français, avec lequel nous avons développé de très beaux projets comme le Village Kinder, pour offrir des vacances sportives à des enfants issus de milieux défavorisés. Nous avons aussi depuis noué des liens étroits avec les fédérations d’athlétisme, de handball et de basket, pour promouvoir l’accès au sport et l’inclusion, des valeurs chères à la marque. La pérennité des marques repose aussi sur leur capacité à porter et à incarner des valeurs.

Innover dans le durable

En quoi une marque de toujours est-elle innovatrice ? Dans son processus de production, par la modernité de ses usines ?

N. N. : Nous sommes une entreprise en perpétuelle innovation. Nous l’avons démontré ces dernières années en proposant de nouveaux produits à nos consommateurs. Mais cela concerne aussi notre manière de nous approvisionner ou de fabriquer nos produits. Nous venons par exemple d’annoncer un nouveau cycle d’investissements pour moderniser et décarboner nos lignes de production de Nutella et Kinder Bueno dans notre usine normande. Cela représente un investissement de 36 millions d’euros.

Une huile de palme qui ne fragilise pas les ressources forestières est donc un objectif accessible ?

N. N. : Il y a plus de quinze ans, notre groupe a dû faire face à un choix : soit nous arrêtions l’huile de palme, soit nous nous engagions pour transformer la filière. Force est de constater que nous n’avons pas fait le choix le plus facile, mais c’est le seul qui répondait à l’ensemble de nos besoins techniques et environnementaux. Nutella, c’est seulement sept ingrédients, sans conservateur ni colorant. Il n’était pas question de reculer sur la qualité et de changer de recette. Remplacer l’huile de palme signifie potentiellement la remplacer par une autre huile végétale qui nécessite une transformation chimique (hydrogénation), pas nécessaire avec l’huile de palme. L’huile de palme nécessite six à sept fois moins de surface agricole que d’autres huiles végétales (tournesol, colza, soja). Nous ne voulions pas la boycotter au risque de nous exposer à une autre problématique. Après plus de dix ans de travail, nous avons réussi : notre huile de palme est 100 % durable depuis 2015. Notre cacao est également certifié 100 % durable depuis 2020.

Retours à l’essentiel

Pour quels autres ingrédients avez-vous des politiques de filière et quelles sont leurs caractéristiques ?

N. N. : Notre approche dans d’autres filières est assez similaire. Notre action prend en compte à la fois la spécificité de la filière et les contextes régionaux où nous opérons. Elle repose sur trois principes : l’adoption de standards et de certifications élevés, la coopération avec les ONG et organisations internationales, et l’adoption de chartes ambitieuse en matière de développement durable. C’est le cas notamment pour l’huile de palme, le cacao et les noisettes.

Les produits « plaisir » n’étant pas réputés essentiels, sont-ils les premiers à pâtir des arbitrages dans les périodes difficiles pour les ménages ?

N. N. : Nous sommes des créateurs de moments de plaisir, et la période Covid a montré combien compte le besoin de convivialité. La grande leçon est que les gens ont trouvé le moyen de se réunir, avec ceux avec qui ils pouvaient, pour de tels moments. Ces périodes de crise révèlent le besoin d’un retour à l’essentiel.

[1] Mon Chéri (1960),  Nutella (1964), Kinder Chocolat (1968), Tic tac (1969), Kinder Surprise (1974), Ferrero Rocher (1982)…

Propos recueillis par Jean Watin-Augouard et Antoine Quentin

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