Pierre Martinet, traiteur trois étoiles
11/07/2022
À quoi engage le surnom de « traiteur intraitable » que se donne votre groupe ?
Nurdan Martinet : Le groupe Pierre Martinet, groupe familial, a pour maître-mot celui de qualité qui concerne aussi bien nos produits, leurs ingrédients, leur traçabilité que les quelque cent métiers qui œuvrent pour les faire naître, les lancer, les animer. Nous devons être irréprochables à toutes les étapes de la fabrication. Nous collaborons depuis 1994 avec le chef 3 étoiles Guy Savoy (élu meilleur restaurant au monde depuis 2017), qui nous conseille sur l’élaboration de nos recettes. La qualité porte sur les échanges, les services, les prestations, les rapports entre les salariés, les liens qui les unissent au sein du groupe, leur bien-être.
Quelle est la part de l’origine France dans vos ingrédients ?
N. M. : Dans la mesure du possible et suivant les saisons, l’origine France de nos produits (carotte, blé…) est toujours privilégiée. Nous avons ainsi installé notre atelier de salades de légumes près des champs où pousse une grande partie de nos légumes, pour réduire les distances d’approvisionnement. Il est actuellement très difficile, compte tenu des tensions inflationnistes, de garantir leur origine France. Ce qui nous conduit à revoir notre communication aussi bien sur nos emballages que sur notre site.
Combien le groupe Pierre Martinet représente d’emplois directs et indirects ?
N. M. : Le groupe compte 715 emplois directs permanents et 1 000 en pleine saison, car nous recourrons au travail intérimaire. Nous privilégions toujours les embauchés des années précédentes et certains emplois se transforment en CDI. Sur le plan des emplois indirects, il est difficile de répondre avec précision, car nous avons des partenariats avec beaucoup de fournisseurs.
6,5 millions d’investissement dans un entrepôt automatisé
Combien d’ateliers de production avez-vous et quel y est le degré de robotisation ? Les qualifieriez-vous d’ateliers 4.0 ? Avez-vous des projets d’investissement ?
N. M. : Le groupe dispose de cinq ateliers de production en France, à La Mothe-Achard (85), Les Lucs-sur-Boulogne (85), La Selle-sur-le-Bied (45), Chaponost (69) et Saint-Quentin-Fallavier (38), pour respectivement les sociétés La Belle Henriette (rachetée en 2010), Louis Lemoine (rachetée en 1996), Randy (rachetée en 1997) et Pierre Martinet. Nous avons également la société d’ingénierie DEZA qui crée des machines spécifiques (des convoyeurs par exemple) pour le groupe. Elle vend son expertise dans toute la France. Si la part de la main d’œuvre est encore importante en Vendée avec des opérateurs sur poste, la société Martinet, elle, est très robotisée.
La robotisation dépend de la gamme de produits : il faut parfois des personnes en sortie de ligne pour placer certains ingrédients en décor (topping) dans les barquettes. En 2021, nous avons étendu l’atelier Martinet de 4 500 m2 avec l’installation d’un transtockeur pour un coût de 16 millions d’euros et nous prévoyons pour 2022 un investissement de 6,5 millions pour un magasin de stockage automatique, palettisation et investissement d’aide à la personne sur poste manuel avec des exosquelettes, et des préhenseurs (aide aux charges lourdes) pour le bien-être des salariés.
Observez-vous des tensions dans certains de vos métiers ? Conduisez-vous une politique de formation au-delà des obligations légales en la matière, notamment avec les acteurs locaux (entreprises d’autres secteurs, institutions publiques, associations, collèges, lycées, universités, CCI, ESAT…) ?
N. M. : Les tensions n’épargnent aucun secteur et si nous réussissons à fidéliser un socle solide de nos effectifs, avec 360 salariés de plus de quinze ans d’ancienneté dans le groupe, la période Covid a changé les mentalités conduisant à des reconversions. Nous constatons également une volatilité dans les personnes que nous recrutons, même au niveau des étudiants. Nous avons néanmoins des partenariats avec des écoles, collège, lycée, université, pour expliquer les singularités de notre entreprise, sa dimension familiale. Des visites de notre atelier de Saint-Quentin-Fallavier sont régulièrement organisées pour des écoles, collèges et lycées. Nous avons régulièrement des réunions avec la CCI du Nord-Isère, nous communiquons nos besoins pour les emplois d’été. Au-delà du cadre légal concernant les alternants et stagiaires, nous atteignons 7 % au siège. La promotion interne et notamment auprès des jeunes fait partie de la culture de l’entreprise.
Pénuries et changements de recettes en transparence
Comment pilotez-vous les hausses de coûts des matières premières depuis l’année dernière ? Vous conduisent-elles à modifier vos recettes ?
N. M. : Les hausses de prix très fortes des matières premières dont l’huile de colza, par exemple, nous conduisent parfois à modifier légèrement les recettes mais en respectant toujours la réglementation. Confrontés l’année dernière à un approvisionnement réduit en cornichons, nous avons été conduits à en limiter le nombre et la taille dans nos salades piémontaises, sans altérer le goût ni tromper les consommateurs.
Quel effet supplémentaire sur vos coûts, particulièrement énergétiques, a la guerre en Ukraine ? Réussissez-vous à répercuter ces coûts dans vos prix de cession ?
N. M. : Grâce aux contrats que nous avions passés sur trois ans, nous n’étions pas trop touchés l’année dernière. La guerre en Ukraine a modifié la donne sur le plan de nos coûts énergétiques, en matière d’électricité surtout, avec 50 % d’augmentation. Pour le gaz, nous arrivons grâce à nos contrats sur plusieurs années à maintenir des coûts stables. Nos équipes commerciales et nos comptes clés vivent de grandes tensions pour répercuter les hausses.
Quelles sont vos ambitions à l’international ?
N. M. : L’international représente 5 % de nos ventes. Nous exportons en Suisse et en Belgique depuis 1981, en Espagne depuis 1992. Notre direction internationale place également nos produits au Portugal, en Roumanie, en Italie, en Pologne, au Luxembourg, en Autriche, en Allemagne. Nous sommes présents au Salon international de l’alimentation (SIAL) depuis le début de son existence et nous continuons d’exposer sur ce salon incontournable. Retrouvez-nous hall 6 stand F70, du 15 au 19 octobre 2022 !
Contrôlez-vous le bien-être animal chez vos fournisseurs ?
Pierre Martinet : En tant que fils d’agriculteur, j’ai toujours été sensible aux conditions d’élevage, et j’ai transmis ma culture du terroir et les valeurs du travail agricole dans l’entreprise. Nous nous engageons à n’utiliser dans nos salades que des œufs de poules issus d’élevages sans cage d’ici à 2025.
Disparition des couvercles en plastique
Quelles sont vos ambitions pour votre bilan carbone et dans le domaine des emballages et de la réduction des déchets ? Comment appréhendez-vous l’objectif gouvernemental « zéro plastique à usage unique en 2040 » ?
N. M. : Nous réalisons avec un cabinet extérieur l’actualisation de notre bilan carbone. Concernant les emballages, nous avons fait le choix du thermoformage en ligne. Cette technique, qui consiste à chauffer du plastique sous forme de film dans un moule pour former des barquettes, nous permet de produire environ 80 % de nos barquettes de salades dans nos ateliers et de ne pas transporter de barquettes vides. Une économie de 140 camions par an. Conçues pour une consommation unique, nos salades de 300 g ou moins ne possèdent plus de couvercles en plastique. Cela représente une économie de 292 tonnes de plastique par an pour la marque Pierre Martinet.
Nous travaillons à atteindre l’objectif gouvernemental « zéro plastique à usage unique en 2040 ». Nos emballages en papier ou en carton sont labellisés FSC mixte. Cent pour cent de nos biodéchets végétaux sont valorisés dans un rayon de vingt kilomètres autour de nos ateliers de fabrication. Grâce aux partenariats avec des agriculteurs et éleveurs voisins, nos déchets deviennent des ressources : alimentation animale (4 500 tonnes par an), compostage (966 tonnes par an) ou méthanisation (500 tonnes par an). Nous recyclons la moitié de nos eaux épurées pour irriguer les champs voisins en partenariat avec les agriculteurs locaux.
En quoi consiste votre association depuis 1994 avec les médecins nutritionnistes du cabinet Sprim, et pour quels résultats ?
P. M. : Nous collaborons depuis 1994 avec le cabinet Sprim et le docteur Frédéric Saldmann, ami de longue date, qui nous conseille sur l’équilibre nutritionnel et la sécurité alimentaire. Comme je le répète dans mes sagas publicitaires, je suis intraitable sur la qualité. Pour cela, je me suis entourée du cabinet Sprim, qui assure la sécurité alimentaire, la veille, et l’assistance technique et scientifique avec les équipes R&D du groupe Martinet. Guy Savoy chef étoilé et également ami de longue date, nous accompagne dans l’élaboration des nouvelles recettes. Notre collaboration nous permet de classer 82 % des produits Pierre Martinet en Nutri-Score A et B.
Propos recueillis par Jean Watin-Augouard