Coca-Cola, expérimentateur du réemploi

25/05/2023

Lequel des trois « R » – réduction, recyclage, réemploi – vous semble prioritaire ?

Olivier Larose : Notre stratégie fondée sur ces 3R concerne l’ensemble de nos emballages et toutes les occasions de consommation. En ce sens, ils sont donc tous prioritaires et complémentaires. Nous mettons en place des actions pour réduire au strict minimum les quantités d’emballages mises en marché. À titre d’exemple, en 2021 nous avons remplacé les films autour des canettes par une attache en carton permettant une économie de 900 tonnes de plastique. C’est significatif. Pour le recyclage, nos petits formats de 50 cl sont dorénavant composés à 100 % de plastique recyclé (rPET), réduisant de 70 % leur émissions de carbone. Pour le réemploi, nous sommes le premier fournisseur de boissons sans alcool à distribuer l’intégralité de notre portefeuille exclusivement en bouteilles verre consignées en CHR. Toutes ces actions sont nécessaires pour diminuer notre empreinte carbone et entrer dans la boucle vertueuse de l’économie circulaire.

Pour ces bouteilles en verre consignées en CHR, l’entreprise a choisi les marques Fanta, Sprite, Fuze Tea, Minute Maid, et Tropico. Pour quelle raison ?

O. L. : Coca-Cola est un acteur historique du verre consigné en CHR (cafés, hôtels, restaurants). Avec le format 33 cl, pour nos marques Coca-Cola Original, Coca-Cola Cherry et Coca-Cola Sans Sucres disponibles en CHR, cela fait plus de cent ans que nos bouteilles contour iconiques sont en verre consigné. Là où nous avons poussé le curseur plus loin dans la seconde partie de l’année 2022, c’est pour convertir les cinq autres marques, des bouteilles verre à usage unique, en bouteilles en verre consignées et génériques. C’est donc une seule et même bouteille de 25 cl qui est à présent utilisée par Fanta, Sprite, Fuze Tea, Minute Maid et Tropico. Une vraie avancée pour décarboner nos emballages (– 77 % de CO2), et une simplicité d’usage pour les établissements.

PET consigné réemployable

En grande distribution, seules les bouteilles Coca-Cola d’un litre sont disponibles en verre consigné. Votre objectif est-il d’étendre la consigne à d’autres formats ?

O. L. : En grande distribution, où le réemploi n’est plus la norme depuis de nombreuses années, nous menons des expérimentations grandeur nature, et des tests sur deux types d’emballages, au format un litre, pour les marques Coca-Cola Original et Coca-Cola Sans Sucres. On teste à la fois le retour de la traditionnelle bouteille en verre consignée, mais aussi, et là c’est très innovant pour la France, une bouteille en PET consignée réemployable. Notre objectif au travers de ces tests, est de trouver la meilleure proposition de valeur, tout en créant l’adhésion du consommateur

Mais le plastique semble condamné par la loi Agec, qu’attendez-vous du PET consigné ? Quels sont ses atouts par rapport au verre consignée ?

O. L. : Notre responsabilité est d’innover et d’explorer des pistes nous permettant d’arriver à nos objectifs de neutralité carbone. Nous avons besoin de continuellement étudier et tester des approches nous permettant de répondre à ces objectifs ambitieux.

Qu’attendez-vous des distributeurs en termes de collaboration pour promouvoir cette nouvelle offre ?

O. L. : Le partenariat avec les distributeurs sur ce sujet est fondamental. Personne n’a la réponse parfaite, et nous avons besoin d’apprendre ensemble sur ce qui va fonctionner et ce qui devra être amélioré. Nous avons des exemples d’autres pays opérant la consigne qui sont riches d’apprentissage. L’idée n’est pas de faire un copier-coller, mais d’en apprendre les points saillants. Et cela ne passera que par une vraie collaboration avec nos partenaires distributeurs, tout en écoutant nos consommateurs.

Vous travaillez actuellement cette offre avec Match en Alsace, avez-vous démarché d’autres enseignes ?

O. L. : Nous proposons effectivement cette offre dans vingt-quatre supermarchés Match en Alsace, ainsi que dans une vingtaine de points de vente Carrefour en Île-de-France et quatorze à Nantes.

Valoriser l’offre réemploi en rayons

Comment souhaitez-vous présenter l’offre en linéaire pour la rendre visible, compréhensible et accessible ?

O. L. : La question de l’emplacement en point de vente est effectivement primordiale. Nous testons depuis deux ans une double implantation, soit dans le rayon des boissons rafraîchissantes sans alcool, soit dans un îlot consacré au réemploi, donc en-dehors du rayon. L’offre de réemploi n’étant pas encore très connue pour notre catégorie en grande distribution, il est important de faire adhérer les consommateurs là où ils ont l’habitude d’acheter, c’est-à-dire dans le rayon, et ainsi commencer à démocratiser l’offre. Par ailleurs, le renforcement de la visibilité est fondamental pour faire émerger massivement l’offre réemployable dans le rayon. Cela passe entre autres par l’habillage, ainsi que par une identité visuelle claire et percutante. Là encore, il est important de construire ces propositions avec nos partenaires distributeurs.

Actuellement fabriquées en Allemagne, ces nouvelles bouteilles pourraient-elles l’être ultérieurement en France, pour réduire les coûts de transport et desserrer les contraintes sur le prix de vente ?

O. L. : La qualité du bilan environnemental du réemploi est une combinaison de proximité entre le lieu de production et de consommation, ainsi que le nombre d’utilisations des contenants (nos bouteilles en verre consignées sont utilisées en moyenne vingt-cinq fois, et celles en PET consigné dix fois). La solution que nous privilégions pour le moment est de travailler avec l’Allemagne voisine, dans le cas de nos expérimentations sur le PET consigné réemployable, afin de mieux comprendre la perception de cet emballage innovant sur le marché français.

L’Allemagne est-elle en avance par rapport à la France ? Qu’y apprenez-vous ?

O. L. : L’Allemagne est intéressante, mais nous n’avons pas du tout le même modèle, opérant une consigne mixte pour recyclage des bouteilles en PET et canettes en métal, ainsi que du réemploi à grande échelle. Au travers de nos expérimentations, dans lesquelles nous n’avons pas encore toutes les réponses, nous cherchons à voir si le réemploi peut avoir de l’avenir en tant que modèle de consommation mais aussi comme moyen de répondre aux objectifs de 10 % de réemploi fixés par la loi Agec d’ici à 2027.

Neutralité carbone 2040

Comment le client comprend-il le prix de la consigne ?

O. L. : Avant de parler prix de vente, nous avons un vrai besoin de clarifier le principe même du réemploi, son fonctionnement, de renforcer la sensibilisation des consommateurs, et de faire émerger l’offre en point de vente. Et de manière complémentaire, nous devons clarifier le principe du montant de consigne (nos bouteilles d’un litre étant consignées 20 centimes), ainsi que le fonctionnement du retour des vides (lieux de déconsignation). Concernant le prix de vente, c’est évidemment un levier très important, il faut trouver la meilleure acceptabilité de l’offre.

Comment atteindrez-vous l’objectif légal de 10 % d​‌’emballages réemployés en 2027 ?

O. L. : Atteindre les objectifs de la loi n’est pas discutable, il en va de notre responsabilité. Pour l’objectif de réemploi, nous nous appuierons à la fois sur nos bouteilles en verre consignées en CHR, et sur nos expérimentations en grande distribution. Mais d’autres objectifs sont cruciaux, notamment la neutralité carbone pour l’ensemble de nos activités en Europe d’ici à 2040, et cela dix ans avant les ambitions portées par le Green Deal européen. Cette décarbonation passera en grande partie par nos actions de circularité sur nos emballages, qui pèsent en France 52 % de nos émissions.

Propos recueillis par Jean Watin-Augouard