Réemploi
D’aucy, la conserve qui innove
20/01/2025
Vous avez engagé une réflexion sur la consigne en 2019, qui débouche aujourd’hui sur une première expérience. Comment l’avez-vous préparée ?
Armelle Guizot : De fait, la consigne est un projet au long cours qu’on ne peut mener seul. Elle fait appel à plusieurs métiers : récupérateurs, laveurs, stockeurs, transporteurs… En 2019 les laveurs étaient mal organisés et la consigne n’existait pas réellement dans l’épicerie. Dans un deuxième temps, nous nous sommes heurtés au nombre élevé de kilomètres à parcourir. C’est donc en 2023 que nous avons lancé une expérimentation avec un partenaire, Bocoloco, pour nous accompagner dans les différentes étapes. Il nous a permis de passer à l’action et de commencer à répondre aux questions qui se posent, notamment sur l’adhésion des consommateurs.
La consigne des bouteilles est-elle, par ses procédés, duplicable à l’identique avec les conserves ?
A. G. : La consigne des produits d’épicerie diffère de celle des bouteilles, car le flux de réemploi n’y existe pas, ces emballages n’étant pas qualifiés pour être réemployés, les nôtres en tout cas. Les dernières décennies ont été consacrées à désépaissir le verre, à réduire la matière de l’emballage. Or le réemploi nécessite une savante juste dose de matière qui permette d’effectuer plusieurs boucles sans risque sanitaire.
Qu’apporte la mutualisation des marques ? Quel est le rôle du collectif ?
A. G. : Le réemploi a pour ambition de réduire la quantité d’emballage disponible sur le marché. Aussi nous attendons les emballages standard R-Cœur déployés par Citeo¹ qui s’inscrivent dans la démarche ReUse. Ils permettent, en mutualisant le parc d’emballages de plusieurs acteurs disposant du même contenant, d’optimiser la logistique, et demain de réduire les coûts, car il faut trouver le bon modèle économique. L’interopérabilité est au cœur du processus, aussi bien entre les distributeurs – pour que les consommateurs puissent acheter chez l’un et rapporter chez l’autre – qu’entre les industriels.
Le collectif est majeur pour trois raisons : la mutualisation pour optimiser la logistique, l’effet de masse et le partage des bonnes pratiques.
Première expérience avec Monoprix
Quelles ont été les étapes de l’expérimentation ? À quelles problématiques spécifiques D’aucy a-t-elle été confrontée ?
A. G. : La première étape a été de trouver le partenaire, Bocoloco, pour nous accompagner et nous mettre en lien avec la distribution pour tester nos produits. Nous devions savoir si les consommateurs étaient disposés, pour une catégorie stockée dans un placard, à changer leurs habitudes et à rapporter leurs emballages. Nous avons expérimenté in situ dans une dizaine de magasins Monoprix à Paris, pour définir la bonne gamme de produits – légumes verts, ratatouille, pois chiches et haricots rouges –, qui correspond à des consommateurs avertis des enjeux environnementaux ou aux meilleures ventes du rayon.
Quels freins avez-vous dû lever ?
A. G. : C’est en expérimentant que nous avons découvert les freins. Le réemploi demande de réinventer un processus qui n’existe pas dans notre secteur de l’épicerie. Nous sommes face à un iceberg avec sa face émergée : les comportements réels des consommateurs qui rapportent ou non les produits, l’efficacité du lavage pour répondre aux enjeux sanitaires, la pertinence de l’étiquette qui doit bien informer. Puis sa face immergée : comment matérialiser les flux financiers de la consigne sur la facture, comment récupérer les bocaux et les vérifier… On découvre les problématiques au fur et mesure que l’on expérimente, tant la consigne, initiative de commercialisation, est nouvelle dans les entreprises de fabrication.
Vous annoncez une « ouverture facile » sur le couvercle. Le faites-vous également pour la consigne auprès des consommateurs ? Comment les informez-vous ?
A. G. : Il faut rendre la consigne facile pour susciter l’adhésion, c’est certain. Nous avons choisi soigneusement les attributs du côté face de l’étiquette, en gardant à l’arrière du bocal toutes les informations liées à la transparence, dont l’origine, qui est un point clé pour D’aucy. Subsiste à l’avant « D’aucy notre bocal de ratatouille consigné ». La consigne est un argument phare du produit pour l’expérimentation.
Comment avez-vous fixé le prix de la consigne (50 centimes, sur un PVC unitaire de 2 euros environ, soit 25 % ) ? L’avez-vous testé auprès des consommateurs ?
A. G. : C’est avec Bocoloco que le prix a été défini, l’objectif étant d’éviter des niveaux de prix de consigne différents selon les produits, et de perturber les consommateurs. Cela nuit à la fluidité, à la simplicité et à l’acceptation.
Quels sont les critères de réussite de la consigne ?
A. G. : Pour les consommateurs, la réussite dépend de la simplicité, de la compréhension immédiate, du bénéfice environnemental et de sa visibilité. Pour l’industriel, le premier critère est d’ordre économique, mais notre expérimentation est trop récente pour savoir si le modèle économique est pertinent. Il faudra bien trouver un système opérable et rentable !