Éditorial
Valoriser ou gaspiller - Numéro 485
17/12/2019
Devant une consommation de PGC qui a connu en volume, au cours des derniers exercices, des périodes répétées à la baisse, tandis que la population continuait d’augmenter, un esprit simple pourra croire à un effet mécanique vertueux : moins de gaspillage. Car si le phénomène ne traduit pas de soudaines conversions à la frugalité, c’est que nombreux étaient les consommateurs qui achetaient du superflu, promis à la benne encore tout emballé. Ce serait un effet d’autant plus heureux qu’il répondrait à une mobilisation réitérée du politique auprès du grand public pour le convaincre d’adopter le geste antigaspi. Il n’est pas interdit d’y croire, sous réserve des transferts entre postes de consommation. Sur un marché alimentaire mature, il y a des limites à l’expansion du superflu.
Oui, mais ce n’est pas que l’alimentation qui est en jeu, quand on parle gaspillage. Intuitivement, le sujet porte à considérer d’abord le gaspillage des aliments. Une ancestrale et saine morale combinée à la fréquence de l’acte d’achat y est pour beaucoup : on ne gaspille pas quand d’autres ont faim. Prière de finir son assiette. Ce scrupule tend à occulter les autres produits, ceux qui ne se mangent pas, sporadiquement abordés par l’angle réducteur (et un brin paranoïaque) de « l’obsolescence programmée » (pertinent pour un smartphone, moins pour une crème hydratante). Le législateur ne s’y trompe pas qui revient après trois ans sur le sujet pour étendre au « non-alimentaire » diverses obligations de moyen d’éviter la poubelle.
Or ces dispositions réglementaires visent les metteurs en marché et les professionnels de la chaîne d’approvisionnement, pas les consommateurs. Ce n’est pas forcément le plus gros gisement qui se trouvera chez eux, mais il est plus sûr que leur sentiment fera écho à celui du législateur : les gaspillages et les pertes de matière dans le cycle de production, d’objets finis lors de leur commercialisation, sont un sujet de préoccupation pour les entreprises de tous les secteurs, tant il est vrai qu’une entreprise vise à créer de la richesse, et que ce qui est gaspillé n’en produit pas. Encore une idée d’esprit simple ?
C’est la même qui doit depuis longtemps guider les professionnels dans la gestion des stocks. Au point que même si de nouveaux outils s’inventent toujours qui promettent d’en faciliter la maîtrise, il n’y a peut-être pas trop à attendre encore de ce côté-là pour prévenir les gaspillages. Selon une enquête Ilec conduite cette année, les écarts entre les prévisions et les ventes, comme les questions de dates limites, sont beaucoup moins souvent des causes de gaspillage, au niveau industriel, que les erreurs de production ou dysfonctionnements des machines, ou même que les refus de produits par les acheteurs. Les moyens d’investir, en maintenance et innovation, des relations verticales fondées sur la confiance, avec des produits préservés d’une dévalorisation sauvage, ça ne ferait pas une mauvaise formule antigaspi.
François Ehrard