Analyses de l’Ilec

Analyse

Impact des mesures de plafonnement des promotions introduites par la loi Égalim

08/09/2021

Une économie de 120 à 160 M€ pour l’ensemble des IAA. Tel est sur la base de l​‌’enquête conduite par l​‌’Ilec parmi ses adhérents l’effet direct du plafonnement à 34 % en remise et 25 % en volume des opérations promotionnelles dans les rayons alimentaires. Mais il y a des effets de bord.

Forte hétérogénéité des situations s’agissant de l’évolution des promotions en 2019, pour les industriels alimentaires

En 2019, globalement, les promotions ont diminué pour les produits de grande consommation alimentaires : – 0,9 point de la part du chiffre d’affaires réalisé sous promotion, et – 4,3 points du taux de générosité des promotions.

Cette baisse d’ensemble dissimule toutefois des disparités importantes selon les catégories de produits et les types d’acteurs. Ainsi, un tiers des catégories alimentaires ont enregistré une hausse de la part des ventes sous promotion entre 2018 et 2019. Par ailleurs, une étude menée par IRI pour le compte de l’Ilec, portant sur douze catégories majeures représentant environ un quart du marché total, a montré que, dans huit de ces douze catégories, les fabricants de marques nationales ont enregistré une hausse de la promotion entre 2018 et 2019.

Tous les industriels alimentaires n’ont donc pas réalisé d’économies grâce à l’introduction des mesures de plafonnement promotionnel. Ceux qui sont le plus susceptibles d’en avoir bénéficié sont les acteurs opérant dans des catégories qui, jusqu’en 2018, présentaient par exception simultanément un poids des promotions promo supérieur à 25 % et un taux de générosité supérieur à 34 % : par exemple les cafés (dosettes et torréfiés), les eaux gazeuses nature, les champagnes, ou encore les biscuits (chocolat et fruits).

Pour les industriels de l’alimentaires membres de l’Ilec, une baisse moyenne d’un peu moins de 5 % des budgets promotionnels entre 2018 et 2019

Les budgets promotionnels des industriels alimentaires membres de l’Ilec sont passés en moyenne de 6,4 % du prix 3 x net en 2018 à 6,1 % en 2019, soit une baisse légèrement inférieure à 5 % (source enquête Ilec sur la formation des prix, mars 2020). L’impact de cette baisse peut être évalué autour de 100 M€, pour les industriels de l’Ilec.

Les industriels de l’Ilec ne sont toutefois pas représentatifs de l’ensemble du marché des marques nationales alimentaires en matière de promotion, étant principalement de moyennes et grandes entreprises dont les budgets promotionnels sont plus élevés que ceux des petits fabricants.

Les industriels membres de l’Ilec réalisent environ 60 % des ventes de marques nationales de PGC. Il s’agit principalement de moyennes et grandes entreprises. Or le poids de la promotion et par conséquent les budgets promotionnels sont nettement plus élevés pour les grands fabricants que pour les petites entreprises, en absolu mais aussi en proportion du chiffre d’affaires réalisé : la part des ventes sous promotion varie du simple au double selon que l’on a affaire à une PME ou à un grand groupe (en 2019, 8,9 % de CA sous promotion pour les PME mais 18,6 % pour les fabricants réalisant plus de 1 Md€, au total PGC, selon IRI).

De ce fait, en 2019, près de 80% de la baisse des promotions ont concerné des fabricants de taille supérieure à 250 M€ :

Si l’on souhaite s’appuyer sur les données des membres de l’Ilec pour parvenir à une extrapolation des économies potentiellement réalisées par l’ensemble des fabricants alimentaires, à la suite des mesures de plafonnement promotionnel, il faut appliquer un coefficient de minoration afin de tenir compte de cet effet de taille.

Compte tenu de ces éléments, en s’appuyant sur les données des industriels de l’Ilec, on peut estimer que les mesures de plafonnement promotionnel ont généré une économie de l’ordre de 120 à 160 M€ pour l’ensemble des fabricants alimentaires en 2019

(sur la base d’un taux de promotion de l’ordre de 25 % appliqué sur le recul de presque 650 millions d’euros du chiffre d’affaires promotionnel en 2019).

Ces économies réalisées sur les budgets promotionnels en 2019 sont loin de compenser les baisses de prix concédées par les industriels dans la même période, au stade du prix 3 x net et au titre des accords internationaux

Pour les seuls adhérents de l’Ilec, les baisses de prix 5 x net concédées en 2019 se sont élevées à 230 M€. Ce chiffre inclut les économies réalisées au titre des budgets promotionnels : ces dernières ont donc été largement inférieures aux sommes concédées au niveau du prix 3x net et au titre des accords internationaux. Au-delà de la seule année 2019, la baisse cumulée du prix 5x net des membres de l’Ilec entre 2013 et 2021 s’élève à 2,5 Mds €.

Les budgets promotionnels des industriels alimentaires ont donc diminué en 2019, mais le mouvement reste fragile

Rien ne garantit qu’il se pérennisera au fil du temps, compte tenu des faiblesses potentielles du mécanisme de plafonnement des promotions et de l’écart qui subsiste entre les taux moyens observés et les plafonds légaux.

Par comparaison avec la mesure de relèvement du SRP, la mesure de plafonnement promotionnel présente davantage de fragilités et de voies de contournement. Parmi les principaux risques, on peut évoquer :

  • La recherche de plus en plus systématique de saturation des seuils promotionnels, par les distributeurs (le plafond devient un plancher), avec des effets de rattrapage qui peuvent s’observer sur certaines marques ou catégories qui jusqu’en 2018 n’atteignaient pas les plafonds promotionnels. La catégorie des biscuits peut illustrer ce phénomène. En 2019, le poids des promotions a diminué pour les biscuits goûters et les cookies, dont les taux promotionnels étaient les plus proches du seuil de 25 % en 2018 (de 22,7 à 22,2 % pour les goûters, et de 17,1 à 16,2 % pour les cookies) ; en revanche, la promotion s’est développée pour les biscuits pâtissiers et les biscuits secs, moins promus jusqu’alors (de 12,4 à 13,3 % pour les biscuits pâtissiers, et de 7 à 7,7 % pour les biscuits secs).
  • Le fait que certaines mécaniques promotionnelles échappent au dispositif : lots hétérogènes, prix choc, cagnottage non affecté, etc. Même si elles sont aujourd’hui minoritaires, le risque existe d’un recours accru à certaines de ces techniques.
  • Le développement inexorable d’autres sources de dérives, en particulier les accords internationaux et les pénalités logistiques. Les budgets consacrés aux accords internationaux sont en augmentation constante, et représentent désormais en moyenne 4 % du prix net facturé, pour les industriels concernés. Les pénalités logistiques sont quant à elles devenues une véritable source de financement alternatif pour certains distributeurs. En 2020, les pénalités acquittées par les industriels se sont élevées à 0,4 % de leur chiffre d’affaires en moyenne, soit un montant quasi-identique à celui de 2019, en dépit d’une suspension totale des pénalités au deuxième trimestre lors du confinement sanitaire.

L’évolution des prix 3x et 4x nets des industriels de l’Ilec à l’issue des négociations annuelles des trois dernières années illustre la fragilité du dispositif de plafonnement promotionnel.

En 2019, le prix 4 x net a évolué de manière plus favorable que le prix 3 x net, témoignant de la décélération des budgets promotionnels. En revanche, dès 2020 puis à nouveau en 2021 la tendance s’est inversée, avec une baisse du prix 4 x net plus prononcée que celle du 3 x net, soit le signe de budgets promotionnels à nouveau orientés à la hausse.

Evolution annuelle des prix 3x et 4x nets des industriels alimentaires membres de l’Ilec  (source Ilec) :

Des effets néfastes avérés pour les industriels des secteurs hygiène-beauté et entretien, dont les budgets promotionnels ont continué à s’envoler

Le plafonnement des promotions en alimentaire a eu pour conséquence d’exacerber la guerre promotionnelle que se livrent les enseignes dans les catégories d’entretien et d’hygiène beauté : le poids des promotions et surtout le taux de générosité sur ces marchés, déjà bien plus élevés qu’en alimentaire avant la loi Égalim, ont continué à s’envoler en 2019, pesant de plus en plus lourdement sur les budgets des industriels de ces secteurs.

Karine Ticot

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