Entretiens

Un jeune, un projet d’entreprise

30/04/2021

Depuis 2008, la Fondation Entreprendre s’attache à développer le goût et l’accompagnement de l’entrepreneuriat parmi les jeunes actifs. L’ébranlement du tissu économique par la crise sanitaire en a rendu l’action encore plus utile. Entretien avec Benoît Mounier, directeur des programmes de la Fondation Entreprendre

Le taux de chômage des 16-24 ans a augmenté de 2,6 points en un an pour atteindre 22 % au troisième trimestre 2020, puis 18,4 % au quatrième [1]. Qu’est-ce qui explique cette soudaine amélioration, alors que la France connaissait un deuxième confinement ?

Benoit Mounier : D’après l’Insee, ce confinement de six semaines a réduit mécaniquement le nombre de chômeurs, car les personnes ne peuvent pas s’inscrire comme demandeurs d’emploi. Il sera intéressant d’analyser ce phénomène avec plus de recul. En ce qui concerne 2021 – il n’y a pas de données pour le premier trimestre –, le gouvernement doit déployer un plan de soutien concret et massif pour permettre à tous les jeunes qui le souhaitent de concrétiser leur projet, notamment s’ils souhaitent entreprendre. Cela pourrait se traduire par une double aide, un capital social par l’accès à un réseau, qui fait souvent défaut ; et un capital financier pour amorcer un nouveau départ.

Le plan gouvernemental « Un jeune, une solution » [2] lancé l’été dernier porte-t-il déjà ses fruits ?

B. M. : Ce plan propose des mesures de soutien d’une ampleur inédite pour aider les jeunes à accéder à un accompagnement, une formation, une alternance ou un emploi. Les premiers résultats qui viennent d’être publiés sont très encourageants.  Il était évident pour la Fondation Entreprendre [3] de nous impliquer à relayer cette initiative, tout comme les entreprises engagées dans cette démarche. C’est pourquoi, en février dernier a eu lieu la signature d’une convention entre Blandine Mulliez, présidente de la Fondation Entreprendre, et Thibault Guilluy, haut-commissaire à l’emploi et à l’engagement des entreprises, pour mobiliser notre écosystème dans le cadre du plan.

Du goût pour entreprendre, mais trop peu d’ouvertures

L’entrepreneuriat aussi doit être une opportunité offerte à la jeunesse. Nous devons, collectivement, veiller à promouvoir un entrepreneuriat d’opportunité, conforme aux aspirations des jeunes, plutôt qu’un entrepreneuriat de nécessité, tout en favorisant l’égalité des chances entrepreneuriales. Développer l’égalité des chances d’entreprendre auprès de la jeunesse est l’un des enjeux stratégiques de la Fondation Entreprendre depuis sa création en 2008. Nous nous y consacrerons encore plus fortement en 2022 avec un programme ambitieux.

Contrairement aux idées reçues, la France est un des pays où l’intention d’entreprendre chez les jeunes est forte, par rapport à des pays comparables. En revanche, le taux effectif de passage à l’acte est très faible. Cette tendance est marquée chez les moins diplômés et les femmes. Il sera nécessaire d’avoir des actions spécifiques auprès de ces publics. Par exemple, parmi les femmes âgées de 18 à 24 ans, seules 22 % de celles qui avaient l’intention d’entreprendre ont effectivement entrepris. Un taux largement en deçà de ceux remarqués en Espagne (44 % ), aux États-Unis (32 % ) ou en Italie (33 % ), comme le montrent deux études[4].

L’égalité des chances à entreprendre est un formidable levier d’émancipation. Les principaux freins qu’il faudra lever sont le manque d’opportunités entrepreneuriales et le manque de confiance des entrepreneurs potentiels en leurs capacités à entreprendre. Comprendre ce monde en évolution, se projeter comme un acteur à part entière, prendre conscience de son potentiel, développer de nouvelles compétences, se tester avant de se lancer, autant d’enjeux et de défis que les jeunes doivent relever. Parallèlement aux perspectives d’embauche, il est nécessaire de leur donner, quel que soit leur cursus ou leur formation, leur origine sociale ou géographique, une chance de se lancer dans l’aventure entrepreneuriale. Ce seront aussi eux qui contribueront à créer les solutions et les emplois dont notre société a besoin.

Que proposez-vous aux jeunes pour leur donner envie d’entreprendre ?

B. M. : Les associations qui œuvrent en faveur de l’entrepreneuriat ont la capacité et l’expertise nécessaire pour les sensibiliser et les accompagner dans leur réussite. Avec un collectif d’une vingtaine d’associations, nous avons proposé d’intervenir dans les filières professionnelles et générales, et dans les missions locales, pour expliquer en quoi l’entrepreneuriat est une voie envisageable, de lancer une campagne d’intérêt général sur les valeurs de l’entrepreneuriat et les opportunités dans l’artisanat, dans le numérique, à destination des jeunes de 18 à 29 ans. Cela pourrait aussi se traduire par l’accès à des formations et actions pour acquérir des compétences entrepreneuriales.

[1] https://www.insee.fr/fr/statistiques/2532173#tableau-figure1.
[2] https://travail-emploi.gouv.fr/le-ministere-en-action/relance-activite/plan-1jeune-1solution/.
[3] https://www.fondation-entreprendre.org.
[4] « Combler le fossé entre l’intention et l’action entrepreneuriale : ce qu’enseignent les enquêtes récentes GEM et GUESS », par Alain Fayolle et Catherine Laffineur, revue Entreprendre et Innover 2017-2, numéro 23.

Propos recueillis par Jean Watin-Augouard

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