Les défis des marques à l’aube du nouveau cycle européen (2024-2029)
21/10/2024
La nouvelle Commission européenne, sous la présidence d’Ursula von der Leyen pour la seconde fois, a défini plusieurs priorités pour les cinq prochaines années. Quels sont, selon vous, les principaux enjeux actuels pour les fabricants de marques au niveau européen ?
Amaury Libbrecht : Les priorités de la Commission von der Leyen II, le besoin de renforcer la compétitivité européenne, la double transition verte et numérique, et la simplification réglementaire, devraient être au centre des politiques européennes futures. Ces priorités représentent des opportunités majeures, mais aussi des défis pour les fabricants de marques dans quatre domaines principaux : l’information des consommateurs, la lutte contre les pratiques commerciales déloyales, la transformation numérique et la transition vers une économie circulaire. L’AIM plaide pour une mise en œuvre cohérente et harmonisée de ces politiques à travers l’Europe, comme souligné dans notre Manifeste 2024-2029, afin de garantir un environnement commercial concurrentiel fiable et durable. Sans cela, les fabricants de marques risquent d’être confrontés à des obstacles réglementaires susceptibles de compromettre leur capacité à innover et à rester compétitifs en Europe.
Comment la réglementation sur l’information des consommateurs affecte-t-elle les fabricants de marques?
A. L. : L’information des consommateurs est essentielle à leur confiance dans les marques. La Commission européenne met l’accent sur la transparence des informations fournies, notamment dans le cadre de la transition verte, en introduisant des exigences plus strictes sur l’étiquetage environnemental des produits et les allégations environnementales des entreprises. Cependant, une mise en place fragmentée de ces règles d’un pays à l’autre pourrait entraîner des coûts accrus et des distorsions de concurrence sur le marché.
L’AIM appelle à un cadre réglementaire harmonisé, offrant aux fabricants de marques la sécurité juridique nécessaire pour investir dans des technologies et des processus conformes aux nouvelles exigences. Une harmonisation effective permettrait aux consommateurs d’accéder à des informations claires et fiables, facilitant des choix plus éclairés.
Élargir le champ de la directive pratiques déloyales
Les pratiques commerciales déloyales, notamment par les alliances d’achat des distributeurs, sont souvent critiquées. Comment l’AIM appréhende-t-elle la lutte contre ces pratiques sous la nouvelle Commission ?
A. L. : La protection des acteurs de la chaîne de valeur, en particulier les agriculteurs et les fabricants de marque, face aux pratiques commerciales déloyales est une priorité pour l’AIM. Ces dernières années, nous avons observé une concentration croissante des distributeurs au travers des alliances d’achat transfrontalières, déséquilibrant les relations commerciales entre producteurs et distributeurs. Non seulement cela affecte la compétitivité des fabricants de marques, mais cela freine l’innovation.
L’AIM soutient une révision de la Directive sur les pratiques commerciales déloyales, afin qu’elle protège tous les acteurs de la chaîne de valeur, et que toutes les entreprises et tous les biens de consommation soient protégés. Une concurrence équitable, ainsi que des règles claires, sont essentielles pour éviter que ces pratiques ne nuisent à l’innovation et à la diversité des produits.
Parlons de l’agenda numérique européen. Quelles sont les opportunités et les défis pour les marques dans ce domaine ?
A. L. : La révolution numérique offre de nombreuses opportunités aux fabricants de marques, notamment la personnalisation des produits et des interactions directes avec les consommateurs avec le commerce électronique. Les technologies émergentes, comme l’intelligence artificielle et l’analyse des données, permettent aux marques de mieux comprendre les attentes des consommateurs et d’innover plus rapidement.
Cependant, le cadre réglementaire évolue rapidement, avec des législations comme le Digital Markets Act (DMA) du 14 septembre 2022, qui vise à réguler les grandes plateformes numériques pour assurer une concurrence équitable, ou encore l’AI Act du 13 juin 2024,qui impose des normes strictes pour encadrer l’usage de l’intelligence artificielle. Le Data Act du 13 décembre 2023 et la future stratégie européenne sur les données introduisent également de nouvelles règles pour la gestion et le partage des données industrielles. Pour les fabricants de marques, cela signifie de nouvelles opportunités en matière de traitement et d’analyse des données, mais aussi des défis pour garantir la conformité à ces législations. L’AIM demande une application harmonisée de ces règles, afin d’éviter une fragmentation du marché unique et de faciliter l’innovation dans les nouvelles technologies.
Pouvoir investir en toute confiance,
La transition vers une économie circulaire et décarbonée est également un grand défi pour l’industrie des biens de consommation. Quelle est la position de l’AIM sur ce sujet ?
A. L. : L’économie circulaire est au cœur de la stratégie de durabilité de l’Union européenne, et les marques ont un rôle clé à jouer dans cette transition. Nous soutenons des initiatives comme la révision de la réglementation sur les emballages et les déchets d’emballages, mais il est crucial que ces mesures soient pragmatiques et mises en œuvre de manière uniforme dans tous les États membres. Cela permettrait aux entreprises d’investir en toute confiance dans des solutions durables, tout en évitant les barrières commerciales due à des divergences réglementaires.
L’AIM plaide également pour une collaboration renforcée de toutes les parties prenantes afin de développer des outils numériques permettant de mieux tracer et gérer les informations sur les matériaux utilisés. L’innovation est essentielle pour répondre aux objectifs ambitieux de durabilité, mais elle nécessite un environnement favorable à l’investissement et au développement de nouvelles technologies.
En résumé, quels sont les principaux défis pour les marques ?
A. L. : Les marques doivent s’adapter à un cadre réglementaire européen de plus en plus complexe, tout en restant compétitives à l’échelle mondiale. L’AIM appelle les décideurs européens à garantir un environnement commercial ouvert, équitable et harmonisé, qui permette aux fabricants de marques d’innover et d’investir dans des solutions durables.
Les marques doivent naviguer entre des exigences accrues en matière de durabilité, de transparence et de protection des consommateurs, tout en s’adaptant aux changements numériques. Ces défis sont aussi des opportunités pour les entreprises qui sauront s’adapter et anticiper les évolutions, en créant des produits qui répondent aux attentes des consommateurs européens.
Propos recueillis par Antoine Quentin