Entretiens

Réemploi

Consigne, incitations et précautions techniques

17/01/2025

Bocoloco aide les industriels à faire adhérer les consommateurs à la consigne pour réemploi grâce à la monétisation. Et il n’y en a pas que les bouteilles en verre, c’est aussi au tour du bocal. Entretien avec Sara Isoux, Bocoloco.

Vous souhaitez « démocratiser le geste du réemploi ». Ou « les gestes » ? Ils sont nombreux pour les consommateurs : stocker, remporter, recevoir le ticket…

Sara Isoux : L’objectif est de prouver que ce « geste » n’est pas rendu compliqué par sa démultiplication. Bon nombre de consommateurs savent déjà comment agir à leur domicile en stockant leurs bouteilles. Ce qui change pour eux, c’est le lieu : ils ne vont plus à la benne à verre mais au magasin, chargé de la collecte. Ils n’ajoutent à leur geste de retour que celui de récupérer le ticket de consigne. Le nombre de gestes augmente peu.

Quels sont les standards du réemploi que vous avez élevés ? Avez-vous des solutions techniques spécifiques ?

S. A : Quand on pense aux standards chez Bocoloco, on pense d’abord aux contenants standardisés, qui vont faire leur retour aux côtés des contenants iconiques propres à une marque. Ces contenants ont un rôle clé pour optimiser la boucle de réemploi. Encore faut-il qu​‌’ils soient adaptés aux marques et qu’elles se les approprient. Ce sont aussi les étiquettes qui vont devoir évoluer, pour être lavables, avec des caractéristiques spécifiques pour optimiser l’étape de lavage, mais sans être un retour en arrière en termes de potentiel marketing. Ce sont enfin des principes communs sur la consigne monétaire (comme un même montant de consigne pour tous), pour augmenter le taux de retour en magasin et rendre possible l’interopérabilité du modèle (la faculté de rendre un contenant consigné dans n’importe quel point de collecte).

Ce sont sur tous ces aspects que Bocoloco intervient : en conseil dans la phase amont, pour préparer les marques au réemploi (quels contenants pour quels produits, quelles étiquettes bien adaptées…), et dans la phase aval en magasin, pour faciliter la déconsignation, avec nos terminaux de consigne électronique, et bien gérer la boucle de réemploi, grâce à notre plateforme GEAR de traçabilité et d’équilibrage financier.

Cinq millions de bouteilles réemployées

Comment mesurez-vous la diminution de votre empreinte environnementale ? Contrôlez-vous la quantité d’eau utilisée ?

S. A : L’empreinte environnementale est l’indicateur clé pour le réemploi. Notre plateforme trace l’ensemble des flux de la boucle. Nous savons où le contenant est collecté, vers quel centre de tri il se dirige, jusqu’à quel centre de lavage il va. Nous pouvons calculer le nombre de kilomètres parcourus. Ce nombre doit être le plus limité possible, nous devons donc optimiser les parcours pour réduire les émissions de CO2. Nous contrôlons également la quantité d’eau utilisée pour le lavage. D’après les études de l’Ademe en 2023, le réemploi permet de diminuer la consommation d’eau de 50 % . De fait, l’eau est réutilisée pour plusieurs milliers de contenants et plusieurs passages.

Quelle est la quantité de bocaux réemployés à partir de laquelle le modèle est rentable ?

S. A : Notre objectif est d’augmenter la volumétrie des contenus réemployables afin de baisser le coût unitaire de la consigne. Il est encore prématuré de donner un nombre de bocaux à partir duquel ce coût va baisser, car le modèle est au commencement de son expérimentation. Pour l’heure, on calcule le taux de rotation, ou combien de rotations un contenant doit faire pour que le modèle soit rentable économiquement et écologiquement. Nous savons, d’après l’Ademe, qu’il l’est sur le plan écologique dès la deuxième rotation d’une bouteille en verre de 75 cl de bière. L’année dernière, cinq millions ont été réemployées. Quant au prix de la consigne, un texte de loi légifère pour le CHR : 10 centimes pour les petits formats, 20 pour les grands. Dans le cadre du projet ReUse (Citeo), un arbitrage va être fait sur le montant, encore non connu mais qu’on évalue à 20 centimes.

Quelle est la durée de vie d’un bocal en verre consigné ?

S. A. : Pour une bouteille en verre, pour laquelle nous avons de l’expérience, la durée de vie est de vingt ans avec quarante rotations. Pour le bocal, nous manquons de recul, car l’expérimentation débute. Un objectif de cinq à dix rotations a été fixé par ReUse. Ce chiffre est plus faible que celui d’une bouteille car le bocal s’use davantage au moment de son conditionnement, en raison du nombre de chocs lors de la stérilisation, la pasteurisation…

Nécessité de renforcer les bocaux

La forme du bocal doit-elle changer pour s’adapter aux contraintes techniques, financières, logistiques du lavage ? Le métal peut-il être un substitut au verre ?

S. A : La clé de la réussite du réemploi réside dans la standardisation des emballages, qui permet de réduire les kilomètres parcourus car on peut ainsi renvoyer le bocal à proximité, celui-ci pouvant être utilisé par tous les consommateurs. On doit tendre vers un renforcement des zones de fragilisation résultant des chocs : le socle, le fond du bocal et la bague. Il ne faut pas pour autant s’attendre à une transformation radicale du bocal pour les besoins du lavage. Quant au métal, c’est un bon substitut actuellement testé, car, comme le verre, c’est un matériau inerte, sans transfert avec le contenu et qui se lave bien.

La simplification du lavage conduit-elle à supprimer l’étiquette papier ? Que devient le couvercle ?

S. A : L’étiquette papier n’est pas un frein au lavage, car il existe de nombreuses solutions d’étiquettes auto-adhésives lavables. Plusieurs chantiers R&D sont en cours pour élargir l’offre de ce type d’étiquette, les innovations sont nombreuses chez les fabricants de papier et de colle. Le couvercle, lui, n’est pas réemployable pour des raisons réglementaires, du fait de la présence d’un joint en silicone. Une fois lavé, il perd de sa qualité hermétique. Les couvercles sont stockés dans les centres de tris de bocaux, massifiés puis envoyés dans les centres de recyclage.

Un bocal de petits pois ou tout autre produit alimentaire est-il condamné à ne resservir qu’à d’autres petits pois ou est-il interchangeable ?

S. A : Il est interchangeable, c’est l’objectif de la standardisation. Le bocal peut être utilisé aussi bien pour la confiture ou la moutarde. Certains industriels préfèrent conserver le format iconique qui incarne leur marque, mais ils peuvent le destiner à plusieurs produits, par exemple de la confiture d’abricot puis de fraise, des petits pois puis des haricots verts.

Pertinent dans un rayon de deux cents km

Comment mailler le territoire en centres de traitement ? La logistique est-elle un frein en termes de coûts, de choix d’emplacement, à l’extension de la consigne dans toute la France ?

S. A : Il faut trouver le bon maillage pour bien contrôler les frais kilométriques et faire que le modèle de réemploi par la consigne soit pertinent. Aujourd’hui, le maillage se fait à partir des centres de lavage dans un rayon ne dépassant pas deux cents kilomètres. Grâce à la standardisation, le centre de lavage pourra desservir les industriels qui se trouvent autour de lui. La logistique ne doit pas être un frein mais un levier pour optimiser la boucle du réemploi.

La consigne vaut-elle pour tout type de commerce et tout produit alimentaire ?

S. A : Oui, tout distributeur peut faire de la consigne : GMS, GSS, petit épicier. Chaque type d’enseigne doit avoir les outils adaptés qui correspondent  à son modèle logistique et économique. Plus les distributeurs seront nombreux à être des points de collecte, plus les consommateurs adhéreront à la consigne, plus le modèle sera rentable. Quant aux produits, il n’est pas obligatoire que leurs emballages soient tous destinés au réemploi. Chaque type de produit a sa solution pour être plus efficient sur le plan écologique. Ainsi, le carton a une empreinte écologique faible, et le réemploi sera pour lui moins pertinent.

Propos recueillis par Jean Watin-Augouard

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