Écoconception
Nouvelle génération de pot, Les Prés Rient Bio toujours pionniers
13/01/2020
Nécessité fait loi, dit-on. Elle peut aussi faire opportunité, ici, celle d’améliorer l’impact environnemental. La preuve avec Les 2 Vaches et Faire Bien, qui abandonnent, pour leurs yaourts brassés, le PS pour le PLA. Depuis avril 2019, l’acide polylactique, ou polyamidon, matière plastique d’origine végétale, s’est substitué au polystyrène, plastique d’origine fossile issu de la pétrochimie, alors non renouvelable et non biodégradable. « Victime du succès des 2 Vaches, nous étions en limite de capacité industrielle. Nous devions donc investir dans une nouvelle ligne, avec pour ambition de nous projeter dans l’avenir. Aussi nous était-il contre-indiqué d’opter pour une ligne classique avec PS », explique Christophe Audouin. Qui précise que « si la gestation du projet a été plus longue que prévue et l’accouchement compliqué, comme un premier enfant, l’année 2019 fut une très bonne année, avec en particulier une belle réussite sur le plan du produit et du packaging ».
Pionnière depuis le berceau
Les Prés Rient Bio, filiale bio du groupe Danone (lire encadré), se singularisent par deux marques. Les 2 Vaches, leader de l’ultrafrais bio, sont une marque connue pour sa pédagogie aussi bien sérieuse que joyeuse, destinée à modifier le comportement des consommateurs. Faire Bien (« bio et solidaire »), la deuxième marque, déstinée aux réseaux spécialisés, a pour raison d’être de pérenniser le métier d’éleveur en le rendant plus attrayant auprès des prochaines générations. « Il s’agit de trouver des solutions pour faciliter la relève, et la reprise ou la transmission des fermes bio, avec l’enjeu très fort du départ à la retraite des exploitants. L’argent provenant de la vente de ces yaourts permettra de faciliter la reprise de fermes par des jeunes qui, même s’ils sont volontaires, n’ont pas toujours les moyens. Notre objectif est de faire bien, ce qui justifie le nom de la marque. » Certifiée B Corp[2] depuis trois ans, la société Les Près Rient Bio se doit d’avoir un impact positif. « Notre raison d’être est de faire partie de la solution, modestement certes, mais en apportant des réponses à la crise environnementale et sociale avec un nouveau modèle d’entreprise qui engage notre écosystème à nous suivre, aussi bien nos actionnaires, nos shareholders que l’intégralité de nos stakholders dont nos consommateurs. »
Les pieds dans le PLA
« La société Les Prés Rient Bio a parfois les bonnes et les mauvaises habitudes des startups et d’un grand groupe, poursuit Christophe Audouin. D’un côté la volonté d’être agile et d’agir comme les startups, avec parfois l’excès d’être amoureux des projets et de vouloir les communiquer en commettant des erreurs. De l’autre, l’appartenance à un grand groupe conduit à des pratiques bordées, certes vertueuses, mais parce qu’il est vertueux le groupe est souvent tétanisé par le changement, il ne trouve pas les clés pour le communiquer. Sur le projet PLA, très conséquent en termes d’investissements et d’enjeux financiers, nous avons été tiraillés en permanence entre ces deux tendances. »
Depuis 2006, les yaourts aux fruits et nature brassés étaient commercialisés en pots PS thermoformés[3] dans l’usine du Molay Littry, près de Bayeux (Calvados, Normandie)[4]. Le passage au PLA, en avril 2019, des yaourts Les 2 Vaches et Faire Bien a porté sur 50 % de l’activité. « C’est pour nous un enjeu majeur, pour lequel nous avons engagé une longue réflexion durant vingt-quatre mois. Si la solution miracle n’existe pas, aucune solution d’emballage n’étant parfaite, nous les avons néanmoins exploré toutes : carton, verre, PET et PLA. » Le verre ? Il a été abandonné en raison de son bilan carbone[5]. « Si le carton offrait une option meilleure sur le plan carbone, il était plus coûteux et nous obligeait à recourir au suremballage. »
Gains et limites
Comment plaider le projet auprès du groupe Danone, projet qui va l’engager dans des investissements très lourds ? Comment plaider la cause du PLA, matière première alors peu utilisée par Danone ? Comment utiliser une telle avancée ? « Nous sommes un peu le contre-exemple de la communication sur l’emballage, puisque nous avons volontairement décidé de ne pas communiquer, excepté sur le pot et le site. La raison d’être d’une B Corp passe avant la communication de l’impact qu’on peut avoir ou des critères de performance économique », explique Christophe Audouin. Et d’ajouter : « Quand on a une activité dans les produits laitiers, il y a d’autres sujets plus importants qui contribuent à réduire l’empreinte carbone, notamment les activités dans les fermes. »
Aussi les gains mis en avant porteront sur d’autres aspects que la communication : « Nous ne souhaitions pas survendre le projet et penser que le PLA serait un accélérateur de la demande pour recruter des consommateurs. » Le pot est considérablement amélioré en termes d’impact, d’attrait, de visibilité en rayon et de story telling. « Nous privilégions les vrais atouts de la marque Les 2 Vaches comme lors de la campagne en mai 2019 “On n’est pas des moutons”, consacrée à nos engagements qui prouvent que nous voulons toujours avoir un temps d’avance ». Pour le consommateur, « la marque ne sort pas du marché en termes d’accessibilité prix ». Elle conserve sa commodité, avec la sécabilité des quadrettes de yaourts sans suremballage. En termes d’impact environnemental, l’avantage empreinte carbone du PLA sur le PS est avéré, « mais on ne communique rien sur les chiffres »[6] : « Nous préférons faire les choses à les dire. Nous acceptons de ne pas être parfaits dès le début et nous l’assumons. Nous réfléchissons à des pistes d’amélioration pour aller plus loin. »
De fait, le PLA a ses limites puisque si le choix a porté sur le sucre de canne et non sur le maïs, en raison de la présence d’OGM, si ce matériau est d’origine végétale certes biosourcé et renouvelable, c’est de Thaïlande qu’il est importé. Il faut également tenir compte de la consommation d’eau nécessaire à la culture de la canne à sucre, l’impact sur l’environnement local avec la déforestation, et la concurrence avec la production alimentaire. « Nous nous dirigeons vers des PLA issus de déchets agricoles plutôt que de sucre de canne », indique Christophe Audouin. Le PLA pourrait ainsi être produit à partir de matériaux non alimentaires, comme les algues, ou de coroduits comme les résidus de lait.
La marque privilégie le contact direct avec les consommateurs pour dialoguer et expliquer le PLA : « Durant deux semaines, l’équipe (vingt-cinq personnes) a pris la route avec deux véhicules électriques pour aller à leur rencontre. »
Compostage, recyclage….
Autres projets dans les cartons, partagés avec Citeo durant les deux prochaines années : la compostabilité industrielle. « Nous réfléchissons à un compost industriel pour, demain, entrer dans des filières de compostage, mais il faut régler la question de la banderole autour du pot et de ses deux ingrédients, l’encre et la colle. » Autre projet : le recyclage. « Si le PLA est potentiellement recyclable, il ne l’est pas encore aujourd’hui, car il n’existe pas, comme pour le PS, de filière en France. Nous ne sommes pas très nombreux à proposer du PLA. » Dans certaines collectivités, les pots en PLA peuvent déjà être jetés dans la poubelle jaune, mais il faudra attendre 2022 pour qu’ils puissent l’être sur tout le territoire. À charge pour les centres de tri de distinguer les emballages recyclables.
Demain le vrac ?
« À terme, nous allons rencontrer deux problèmes : celui de la taille critique à l’achat et le traitement du PLA en fin de vie », estime Christophe Audouin. L’heure est donc à la mobilisation de tous les acteurs de la chaîne de valeur en amont comme en aval, producteurs de PLA, éco-organismes, industriels, distributeurs, experts scientifiques, startups, ONG et consommateurs, pour expérimenter des solutions innovantes et accélérer la transition[7]. « Nous souhaitons conjurer tout dogmatisme, partir de l’existant pour améliorer les choses. Demain, devrons-nous recourir au vrac pour sortir du PS, de PET et du PLA ? Si nous explorons la solution du vrac, nous nous heurtons à deux limites : limite économique, car le vrac en produit frais coûte paradoxalement plus cher, en raison de solutions techniques onéreuses, et limite réglementaire, car la responsabilité du risque alimentaire repose sur le fournisseur, qui sera sanctionné même si le consommateur, utilisant son propre contenant, n’a pas été vigilant sur sa propreté. »
À l’origine, Stonyfield France
C’est en 2000 que Franck Riboud acquiert la société américaine Stonyfield Farm, qui détient la troisième place sur le marché du yaourt derrière Yoplait et Danone. Cette entreprise privilégie déjà l’agriculture biologique et se singularise également par sa raison d’être. « Franck Riboud va saisir deux opportunités : découvrir le bio, inconnu à l’époque chez Danone, et s’inspirer d’une entreprise fondée sur l’intrapreuneuriat avec une communication et un management spécifiquse, raconte Christophe Audouin. C’est en 2006 qu’est lancé la marque Les 2 Vaches, qui est plus qu’une simple marque car elle se singularise par une gouvernance, la première en France de nature intrapreuneuriale, avec de l’agilité, de l’autonomie, un rapport au temps et au retour sur investissement différents d’une entreprise classique, et une conscience qu’on nomme aujourd’hui raison d’être. Le yaourt est plus qu’un produit, il porte en lui le changement du modèle agroalimentaire, aussi bien pour les filières que pour les recettes ». Depuis septembre 2017, Stonyfield France, la filiale bio de Danone, a pour nouveau nom Les Prés Rient Bio. Ce changement de nom est dû à l’achat en juillet de la même année de Stonyfield par Lactalis États-Unis. La filiale française (et sa marque Les 2 Vaches) était restée à l’écart de l’opération, mais elle devait s’engager à ne plus utiliser le nom Stonyfield (qui est aussi une marque aux États-Unis). « Le jeu de mots « Les Prés Rient Bio » fait référence à la prairie qui stocke le carbone et qui nourrit les vaches de nos éleveurs », explique Christophe Audouin. C’est en 2019 que Faire Bien a été créé, un nom choisi en référence à Fair Trade et son label Fair for Life, « là aussi un jeu de mots ».