Cas d’école
Blédina, B Corp par vocation
12/01/2021
« B Corp [1] est plus qu’une simple certification, c’est une vision, une philosophie, une communauté, un mouvement », estime Camila Garcia Quijano, responsable RSE et nature de Danone Nutrition spécialisée France. C’est d’abord un audit complexe, qui doit conduire l’entreprise postulante à atteindre 80 points sur les 200 qui correspondent au stade de la perfection. La notation porte aussi bien sur l’impact social et environnemental de l’entreprise que sur la transparence et l’éthique de son fonctionnement. Il aura fallu plus d’un an et demi à l’équipe de Blédina spécialement constituée autour du projet pour afficher 83,1 points et entrer dans la cour des grands.
Démarche volontaire
Au commencement, il y a eu l’ambition fixée en 2018 par Emmanuel Faber, directeur général de Danone, de le certifier B Corp en 2030, puis, récemment, d’avancer la date à 2025. Trois raisons au moins fondent ce choix, explique Camila Garcia Quijano : « Il fait sens avec le double projet économique et social de Danone, traduit dans notre vision “Une planète, une santé”. La démarche holistique, la première du genre, porte sur toutes les facettes de l’entreprise. Enfin, la dimension internationale de la certification répond à la présence mondiale du groupe. » Pour l’heure, 45 % du chiffre d’affaires de Danone est certifié B Corp. « Nulle injonction à certifier Blédina B Corp n’est venue de la direction générale, précise Camila Garcia Quijano, c’est le fruit de notre libre volonté. Chez Blédina, marque centenaire, notre mission est d’apporter la santé par l’alimentation dès les premiers jours de vie du bébé. Depuis des années nous agissons en évaluant notre empreinte environnementale et sociale, une philosophie directement en lien avec la certification B Corp. »
Concrètement, l’équipe constituée autour du projet a réuni des experts des cinq domaines couverts par B Corp : environnement, employés, communauté, consommateurs et gouvernance. « Au commencement en octobre 2017, il nous a fallu conduire des analyses et audits dans les détails de chacun de ces domaines, se souvient Camila Garcia Quijano, aussi avons-nous réuni différentes équipes, RH, achats, finance, logistique, juridique, etc., que j’ai dirigées ; ce projet était très important pour nous, comme le témoigne la présence d’un membre du comité de direction dès les débuts. » Mais avant de réunir les équipes, il faut motiver et mobiliser les salariés. « Dans la mesure où la certification n’est pas imposée par la direction générale, il faut consacrer du temps à ce que chaque salarié s’approprie le projet, lui donne du sens ; cela a demandé quelques mois. » Puis vient le temps de l’analyse et de la grille d’évaluation : trois mois. Et celui de l’audit réalisé par B Lab, trois mois également. « Blédina était la première entreprise spécialisée dans l’alimentation infantile et dans la commercialisation du lait infantile à demander la certification B Corp. Il a fallu expliquer en détails nos pratiques vis-à-vis de notre soutien à l’allaitement maternel, la stricte réglementation de ce secteur tant sur la qualité du produit que sur la communication et la promotion que nous pouvons faire autour des substituts au lait maternel. Toutes ces discussions et partages ont pris un an. » Au total donc, un an et demi pour obtenir la certification B Corp, procédure qui varie en général entre neuf mois et justement un an et demi.
Preuves à conviction
« L’obtention de cette certification B Corp très exigeante, poursuit Camila Garcia Quijano, c’est une vraie fierté et cela salue le travail et l’engagement quotidien de nos 1 400 collaborateurs présents sur nos trois sites de production en France et au siège à Limonest. Elle confirme la pertinence de nos actions et dresse la feuille de route pour demain. Loin d’être une fin en soi, elle nous engage à aller encore plus loin et à continuer sans cesse d’innover, et d’améliorer nos pratiques. » Dans le domaine de la gouvernance, l’un des cinq axes de B Corp, Blédina se singularise en associant son écosystème : « Nous ne travaillons pas dans notre coin, nous œuvrons aussi bien avec nos partenaires agricoles, des experts, des associations, une communauté de consommateurs. Nous sommes dans une optique de construction partagée, non seulement en étant à leur écoute mais aussi en les associant à la définition de notre stratégie. » Sur le plan de l’environnement, chaque site de production doit réduire chaque année de 5 % sa consommation d’eau et d’énergie, et doit valoriser 100 % de ses déchets. Pour l’axe « employés » Blédina se distingue depuis 2018 avec le programme du groupe « Une personne, une voix, une action ». 
Chaque année, il sollicite les salariés pour qu’ils donnent leurs avis sur la stratégie du groupe, les améliorations à apporter, ce qui mérite d’être arrêté. « Nous allons plus loin dans l’opérationnel que les enquêtes de satisfaction faites auparavant tous les deux ans », souligne Camila Garcia Quijano. Le comité de direction de Blédina est paritaire, avec 50 % de femmes rémunérées au même niveau que les hommes ; l’entreprise a obtenu un score de 98 % à l’Index français de l’égalité femmes-hommes mis en place par le gouvernement.
Les axes de certification « communauté » et « consommateurs » ont été richement illustrés : le programme « Malin » accompagne depuis 2012 les familles en grande précarité ; le « Grand Forum des tout-petits » facilite depuis 2013 le partage des connaissances sur les enjeux de santé des mille premiers jours de vie ; la plateforme de financement participatif « MiiMOSA » soutient les agriculteurs partenaires dans leur conversion vers des pratiques agricoles plus durables ; depuis 2016 la « Cueillette des curieux » donne la possibilité aux parents de venir une journée sur les exploitations de nos partenaires agricoles, pour voir où et comment sont produits les fruits et légumes présents dans nos petits pots, et découvrir les enjeux liés à la biodiversité . « Toutes ces initiatives lancées depuis plusieurs années, observe Camila Garcia Quijano, sont des forces pour nous et ont œuvré à l’obtention du label B Corp. »
Introspection-implication
Conséquences importantes de l’obtention du label, celui-ci a permis aux salariés de mieux connaître leur entreprise. « J’aime bien les audits, confie Camila Garcia Quijano. C’est une charge de travail supplémentaire, mais l’effet miroir est très utile. Grâce à B Corp, nous avons analysé pour la première fois tout ce que nous faisons, question par question. Cette connaissance est partagée à tous les niveaux, par tous les salariés et nous permet d’identifier les axes d’amélioration. » Autre conséquence, ils s’impliquent davantage. « Les métiers de production, les opérateurs situés à l’amont de la chaîne de création de valeur, doivent être plus que jamais vigilants sur la qualité des produits, le choix des matières premières, les procédés industriels, les emballages… »
Le logo B Corp figure sur les petits pots. À l’aval, les commerciaux, moins impliqués au début du processus de certification, l’ont été réellement quand Blédina est devenue plus visible. Une évolution dont Camila Garcia Quijano salue les effets : « Nous avons pu montrer toutes nos actions. La conversation avec nos clients a évolué, les discussions ne portent plus uniquement sur la partie financière, la négociation des prix, mais sur des terrains d’entente dans le domaine des engagements, des projets communs. C’est une vraie révolution, un changement de cap dans les relations avec nos clients. »
La certification change également les méthodes de recrutement. Elle enrichit le discours de la marque employeur. « La fierté d’appartenance est renforcée, constate Camila Garcia Quijano. J’ai pu observer des évolutions dans l’implication des salariés, qui acceptent plus facilement de se mettre et de mettre l’entreprise en question. Ils s’interrogent sur ce qu’ils font, comment ils le font, pourquoi ils le font. L’effet miroir est également personnel, je souhaiterais que la frontière entre l’engagement personnel et salarié disparaisse. »
Et demain ?
Tous les trois ans, la certification est contrôlée. « La grille d’audit évolue vers davantage de contraintes qui nous conduisent à être meilleurs, se félicite Camila Garcia Quijano. Nous avons donc des points d’amélioration dans notre feuille de route. Si B Corp ne nous oblige à rien, la conception de nos produits doit être dès leur origine cohérente avec la philosophie de B Corp. B Corp, c’est donc bien plus qu’une simple certification. C’est une philosophie d’entreprise et un mouvement. L’objectif n’est pas d’être certifié, c’est d’être B Corp, et d’avoir une même vision qui infiltre et insuffle toutes les strates de l’entreprise. »
Vision partagée avec les partenaires et les fournisseurs, dont l’amont agricole : « Depuis plus de quarante ans, nous avons des relations étroites avec les deux cents agriculteurs avec qui nous travaillons en France. Nous les accompagnons techniquement et financièrement dans une logique de transformation vers une agriculture régénératrice, plus durable et plus respectueuse de la planète. Nous définissons ensemble des objectifs de performance environnementale et sociétale de leur exploitation. » Au menu des démarches d’amélioration continue, les enjeux portant sur l’emballage avec l’ambition que d’ici à 2025, 100% des emballages soient recyclables, réutilisables ou compostables. Concrètement, cela se traduit par le passage d’un modèle de production linéaire à un modèle d’économie circulaire : écoconcevoir, consommer, recycler, réutiliser. « Nous avons l’objectif d’atteindre le zéro déchet sur toute la chaîne de valeur. » Foi de responsable RSE : toutes les équipes sont mobilisées.