Paysan Breton, grande marque territoriale
23/11/2023
Derrière la marque bien connue Paysan breton, la société coopérative Laïta : combien d’éleveurs rassemble-t-elle en France ?
Jean‑Marie Le Bris : La société coopérative Laïta est issue de la fusion des branches laitières des coopératives Even, Terrena et Eureden en 2009. Ce sont donc neuf éleveurs qui siègent périodiquement à son conseil d’administration, trois par coopérative mère. Laïta défend ainsi aujourd’hui les intérêts de 2 250 exploitations laitières dans le grand Ouest (Bretagne et Pays de Loire). La marque Paysan breton est un élément de fierté partagée pour tous nos éleveurs laitiers. D’autant qu’il s’agit d’une marque territoriale, dans une région pauvre en AOC.
De combien de sites de conditionnement dispose Laïta, et combien représentent-ils d’emplois directs ?
J.-M. Le B. : Laïta compte six sites industriels en propre, représentant 3 150 emplois directs.
Qu’est-ce que l’innovation pour des marques de produits laitiers ?
J.-M. Le B. : Vaste question, l’approche peut être différente selon les catégories. Pour donner un exemple, Paysan Breton a été la première marque à proposer un beurrier en carton recyclable.
Trajectoire carbone moins un tiers en dix ans
Quelles sont vos actions, bilan et ambitions pour la décarbonation de vos activités (bilan et trajectoire carbone…) ?
J.-M. Le B. : Une nouvelle mesure de l’empreinte carbone de Laïta est en cours et s’achève début décembre. Les scopes 1 et 2 représentent 5 % de notre empreinte carbone ; le scope 3 hors amont laitier 9 % ; le scope 3 amont laitier 86 %.
Nous travaillons à une certification SBTI (Science-based Targets Initiative)¹ de notre bilan, en vue d’une soumission de notre dossier au premier trimestre 2024. Nous avons signé une lettre d’engagement avec SBTI, qui consiste en trois trajectoires de réduction des émissions en 2030-2032par rapport à 2022 : pour les scopes 1 et 2, environ – 46% ; pour le scope 3 hors amont laitier, environ – 28 % ; pour le scope 3 amont laitier : environ – 33 % . Ces trois volets sont en phase de confirmation.
Et pour la réduction des déchets d’emballages ?
J.-M. Le B. : Nous avons depuis plusieurs années une politique emballages claire et volontariste qui vise à supprimer l’ensemble de nos emballages inutiles (par exemple avec la suppression des blisters sur nos pots de fromage fouetté Madame Loïk) et à réduire en taille et en épaisseur tout emballage à son strict minimum nécessaire pour assurer un bon usage et une bonne conservation de nos produits. Privilégier les matériaux papier et carton (exemple : beurrier carton Paysan Breton) et viser à la recyclabilité de l’ensemble de nos mix emballages constituent aussi un des piliers de notre stratégie (par exemple avec le lancement en 2023 de notre sachet emmental « Râpé Paysan Breton » 350 grammes en Mono PE recyclable).
Comment appréhendez-vous l’objectif gouvernemental « zéro plastique à usage unique en 2040 » ?
J.-M. Le B. : Cet objectif franco-français est souvent mal compris, car il ne donne pas de moyens ni de solutions techniques permettant de l’atteindre. Il va de plus souvent à l’encontre des autres objectifs des directives SUP ou loi Agec, qui visent toutes à rendre les emballages plus recyclables et donc plus circulaires. Le futur règlement européen sur les emballages et déchets d’emballage, dit PPWR², en cours de validation, qui vise à standardiser les objectifs dans les pays de l’UE, est beaucoup plus équilibré et pragmatique sur ce point. On parlera toujours demain de réduire, et de rendre recyclable, c’est une amélioration continue. Quant au réemploi, il pourra avoir du sens à terme, quand il s’imposera comme préférable à l’usage unique au vu des analyses comparées de cycles de vie.
Aides à l’installation et à la transmission
Conduisez-vous des actions en faveur de la biodiversité ? De la préservation des ressources en eau ?
J.-M. Le B. : Notre objectif est de construire une politique de biodiversité Laïta 2023 (glissement à fin 2024). Nous sommes en train de former une équipe industrie transverse pour la biodiversité qui sera opérationnelle au deuxième trimestre 2024. Et un partenariat a été engagé avec l’association environnementale Bretagne Vivante ; un diagnostic biodiversité est ainsi en cours sur l’un de nos sites de fabrication, à Ploudaniel, par Bretagne Vivante. Les autres sites suivront.
Contribuez-vous à la formation et à l’installation de jeunes éleveurs ? Et à favoriser la transmission des exploitations ?
J.-M. Le B. : Évidemment, et c’est un enjeu prioritaire pour nous ! Nous accompagnons les installations par une aide financière et un suivi rapproché, et de la formation technique et de gestion. Quant aux transmissions, dans la foulée des États généraux de l’installation et de la transmission en Bretagne³, nous travaillons avec toutes les parties prenantes pour les faciliter le plus possible.
À l’élevage est associée l’image d’un métier où l’on ne connaît pas les vacances : comment un groupe coopératif peut-il contribuer à ce qu’elle ne le soit plus ?
J.-M. Le B. : Les nouvelles générations veulent vivre leur métier d’éleveur de la manière la plus équilibrée possible, en profitant plus que leurs prédécesseurs de leurs week-ends et de leurs vacances. Pour cela, il convient de travailler sur l’organisation de l’exploitation, sur la robotisation et l’automatisation de certaines tâches, ainsi que sur la taille critique de l’exploitation, qui permet de mieux assumer un partage des tâches. Laïta coordonne les travaux de ses trois coopératives maisons mères dans ce sens.
Tendance critique pour la collecte
Avec la hausse des coûts et la tendance baissière de la collecte, l’élevage français doit-il changer de modèle ?
J.-M. Le B. : Comme dans de nombreux pays développés, nous connaissons une crise des vocations agricoles et subissons une pyramide des âges défavorable. Il est impératif qu’un éleveur laitier puisse vivre dignement de son métier sur le long terme, avec une juste rémunération ainsi qu’un équilibre de vie professionnelle-personnelle acceptable. Il est probable que l’éleveur de demain sera encore plus performant techniquement, plus digitalisé, plus agile, plus fin dans sa gestion, et qu’il pilotera une exploitation de taille plus importante qu’aujourd’hui.
La souveraineté alimentaire de la France est-elle menacée dans ses filières laitières ?
J.-M. Le B. : Oui ! La collecte de lait est en baisse continue depuis des années et ça risque fort de continuer.
Quelle a été depuis deux ans l’évolution de vos coûts hors « prix de gros agricoles » : énergie, transport, matériaux d’emballages… ?
J.-M. Le B. : Elle a connu une hausse importante. Et ça va continuer en 2024.
En quoi consiste votre partenariat avec l’application « Too good to go » ?
J.-M. Le B. : Nous avons signé le « pacte Too good to go », charte d’engagement autour des dates de consommation qui inclut notamment des actions de pédagogie contre le gaspillage auprès de toutes nos parties prenantes, ce dont témoigne le site Paysan Breton.
Laïta a conclu des conventions avec les Restos du Cœur, les Banques alimentaires et le Secours populaire. En quoi consistent-elles ?
J.-M. Le B. : Ces conventions donnent de la visibilité aux dons, avec des garanties de volumes, ce qui est une demande des associations. Elles prévoient également la possibilité d’autres actions à moyen terme : mécénat d’équipements (camions par exemple), ou de salariés. Nous étudions aussi la possibilité d’opérations promotionnelles avec un cagnottage cent pour cent au bénéfice de l’association choisie.