Négociations commerciales 2019
“Ruissellement” : le lit est à sec ! (communiqué de presse)
16/04/2019
Est-ce que les négociations post-ÉGA ont marqué une rupture par rapport aux années précédentes ? Pour les entreprises de l’Ilec, dont l’amont agricole réunit 150 000 producteurs, la réponse est non. D’un point de vue économique, le bilan est de nouveau mauvais, car les prix nets auxquels les industriels vendent aux enseignes de distribution continuent de baisser dans la plupart des cas.
Un bilan économique très décevant
Toutes catégories de PGC de marques confondues, 2019 est le sixième exercice de déflation depuis 2014, avec un prix de cession net en baisse aussi marquée qu’en 2018 (1,2 %, après 1,1 %). Une baisse souvent sans contrepartie : toutes enseignes confondues, moins d’un fournisseur sur trois estime avoir obtenu des contreparties proportionnées à ses concessions tarifaires. Et partout, l’interférence et le coût des « accords internationaux » se sont accrus cette année.
Sur les trois quarts des marchés de l’alimentaire (produits à marque), la baisse des prix de cession nets est la règle, comme les années précédentes, le plus souvent comprises entre 1 et 2 points. Le fait d’être étroitement associés à une filière agricole française n’a protégé les industriels concernés que de manière très relative : la plupart ont dû baisser leurs prix de cession, et dans des proportions alors comparables à ceux n’opérant pas dans des filières agricoles françaises. Pour l’ensemble de nos adhérents opérant dans ces catégories, le niveau de dévalorisation net (c’est-à-dire déduction faite des baisses objectives de coûts de matières observées sur certaines catégories) peut être estimé autour de 200 millions d’euros.
Dans les 25 % de cas où les prix nets des produits alimentaires ont connu une revalorisation, entre 1,5 et 3 % selon le cas, le mix des marques et l’enseigne, elle est légèrement plus marquée que celle amorcée l’an dernier : pour autant, elle ne couvre pas toujours la totalité des coûts de matières premières, et dans les cas où ils sont couverts entièrement, il ne reste rien de plus à répercuter vers l’amont à l’avantage des producteurs. C’est au mieux alors le maintien du statu quo.
En non-alimentaire, ce septième exercice de déflation a vu une pression accrue sur la dimension promotionnelle de la négociation : elle s’est déjà traduite pour les catégories concernées par une augmentation de 2 points du dégressif constaté par les panels, depuis la mise en place de l’encadrement des promotions dans l’alimentaire.
En définitive et à l’image de l’année passée, l’écart moyen entre le résultat net des négociations commerciales et le besoin des entreprises se situe entre 2,5 et 3 points.
« Une meilleure rémunération de leur amont agricole reste un enjeu majeur pour les industriels, mais un objectif largement hors d’atteinte dans les circonstances présentes. Car elle suppose qu’ils aient pu reprendre la main sur leur tarif, et négocier une revalorisation de leurs prix nets en rapport avec leurs coûts en matières premières, mais aussi leurs besoins en investissement, en recherche et innovation, en recrutement ou en soutien publicitaire. Les progrès constatés dans la filière laitière doivent être confirmés dans les mois qui viennent et servir d’exemple à suivre. » (Richard Panquiault, directeur général de l’Ilec)
Des comportements qui doivent changer en profondeur
L’enquête de l’Ilec montre de grands écarts dans les pratiques des enseignes, selon les catégories, avec une prise en compte des effets matières premières dans certaines, et aucune dans d’autres. En cela, les diverses enseignes se distinguent peu.
Le paysage est un peu plus contrasté entre elles pour l’accueil des innovations, notamment dans la prise en considération des efforts des industriels dans le sens du titre II de la loi ÉGAlim relatif à la dimension RSE.
Il l’est plus encore par l’approche des négociations : certaines enseignes ou alliances se sont employées à honorer un engagement d’orienter les marchés vers un fonctionnement plus constructif ou collaboratif, d’autres ont accentué au contraire une logique assumée de conflit pur et dur ; certaines ont œuvré à la visibilité des contreparties et à l’équilibre dans les échanges, d’autres ont visé à la plus totale opacité ; le souci de respecter strictement la date butoir n’a pas animé tous les clients.
Il l’est surtout par le comportement des acheteurs : dans les box de certaines enseignes ou alliances, la pression et l’agressivité (attente nocturne prolongée, harcèlement, menaces…) ont atteint un niveau où le Code de commerce serait un moins bon guide que le Code pénal. Il est plus que temps que soit mis un terme à ces excès.
Globalement, il y a certes lieu de se féliciter du recul de pratiques illicites comme les renégociations postérieures à la date légale, qui ont pratiquement disparu en 2018, ou les déréférencements sauvages, mais trop d’accords ont été imposés cette année en déflation ou avec des plans d’affaires au rabais. Il appartient à l’administration de les contrôler et de les sanctionner.
« La question reste ouverte de savoir si les dispositions de la loi ÉGAlim favoriseront davantage en année deux qu’en année une le changement de comportement des acteurs, qui demande nécessairement du temps mais qui reste la condition principale d’une évolution en profondeur des relations industrie-commerce. » (Richard Panquiault)