Bonnes pratiques

McCain, logique d’écosystèmes agricoles

30/08/2024

Avoir encore des pommes de terre dans trente ans, en redoublant de soins pour les sols, par une logique d’écosystème à l’échelle des bassins de production : entretien avec Charles Dezitter, directeur RSE de McCain Europe.

Comment McCain en est-il venu à l’agriculture de régénération ?

Charles Dezitter : Nous avons lancé cette démarche en 2021 et il s’agit d’une initiative mondiale pour notre groupe. À l’origine, notre souci n’était pas celui du carbone. Il se trouvait qu’année après année nous mettions en place des plans d’amélioration des rendements qui ne portaient pas suffisamment leurs fruits. Entre les aléas climatiques et la fatigue des sols, nous avons perdu entre et 6 et 12 % de rendements en Europe dans la dernière décennie. Nous avons partagé le constat avec nos huit cents agriculteurs en contrat qu’il fallait redoubler de soin pour les sols.

Quel est l’enjeu pour vous ?

C. D. : Pour McCain, qui vient d’annoncer 350 millions d’euros d’investissements dans ses trois usines françaises, la sécurisation de nos approvisionnements est vitale. Pour pérenniser ces investissements, nous devons améliorer la résilience de la filière face aux changements climatiques et nous assurer que nous aurons encore de la pomme de terre dans trente ans.

Comment avez-vous procédé ?

C. D. : Nous avons mis en place un “package de derisking” complet pour lever les craintes des agriculteurs et sécuriser leur transition. Premièrement, un soutien technique au vu de l’intégralité des pratiques de l’agriculteur, au-delà même de la pomme de terre, et proposer des améliorations. Pour accélérer la recherche et la diffusion des bonnes pratiques, un réseau de huit fermes pilotes a été mis en place. Deuxièmement, un soutien commercial, en proposant des contrats de six ans, ce qui est inédit dans la pomme de terre, avec une prime de 5 euros à la tonne, soit de 200 à 300 euros à l’hectare, en cas de progrès. Et troisièmement, un soutien financier grâce à un partenariat exclusif avec le Crédit agricole qui pourra consentir des prêts pour des équipements liés à la transition, à hauteur de 2 000 euros à l’hectare, offrant les frais de dossier, tandis que McCain en supportera les intérêts. C’est un investissement de long terme porté par le budget de notre département agriculture.

Quelles sont vos ambitions ?

C. D. : Notre objectif est que la totalité des surfaces soient à termes concernées. Aujourd’hui, environ cent cinquante agriculteurs sont entrés dans cette transition, représentant 20 % de nos surfaces. Pour passer à l’échelle et recruter plus d’agriculteurs, nous avons besoin de projets incluant toute la rotation de nos agriculteurs, au-delà de la pomme de terre. C’est pourquoi nous avons rejoint Pour une agriculture du vivant (PADV)[1], afin de passer à une logique d’écosystème à l’échelle des bassins de production.

Comment pourrez-vous valoriser économiquement ces démarches ?

C. D. : Ces initiatives sont avant tout un investissement sur le long terme afin de pérenniser notre approvisionnement en pommes de terre face au changement climatique. En parallèle, nous réfléchissons au moyen de valoriser ces démarches au mieux vis-à-vis de nos clients et de nos consommateurs.

Vos chantiers à venir ?

C. D. : Nous lançons un travail sur la mesure de notre impact carbone pour reconnecter l’agriculture de régénération à notre stratégie de décarbonation. Le levier variétal pourra également y contribuer. Enfin, il va être nécessaire de se mettre autour de la table avec les acteurs des autres productions plutôt que de se faire concurrence au moment des choix d’assolement. C’est tout l’intérêt du projet Covalo de PADV.

1. Voir l’entretien avec Anne Trombini, directrice générale de PADV.

Propos recueillis par Jean Watin-Augouard

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